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AKAKIA.

sade de Pologne. » Tout le monde a su les plaintes qu’un ami de la maison d’Autriche, déguisé sous le nom de Stanislaüs Lysimachus, eques polonus, publia en 1683 contre les intelligences que la France entretenait avec le comte de Tékéli, par le moyen d’Akakia et de du Vernai-Boucauld. Je viens de lire, dans un imprimé qui a pour titre, Journal d’Amsterdam [1], que ce même M. Akakia eut beaucoup de part aux intrigues qui tendaient à faire tomber la couronne de Pologne sur la tête du duc de Longueville, par la déposition du roi Michel. On assure dans ce Journal que l’empereur en avait fait faire des plaintes au roi de France, et qu’il avait nommé, entre autres, M. Akakia comme un des principaux conducteurs de cette affaire : que M. Akakia fut mis à la Bastille ; mais qu’il n’en eut que plus d’attention à l’intrigue qu’il avait commencée, et plus de loisir pour entretenir les correspondances qu’il avait liées : que ses lettres et sa négociation allèrent toujours leur train, nonobstant cet emprisonnement, et que l’affaire fut si avancée, qu’il n’y eut que la mort de M. de Longueville [2] qui en empêchât l’exécution. Les médailles étaient déjà toutes préparées. Ce second emprisonnement de M. Akakia ne dura que cinq ou six mois, s’il en faut croire une personne que j’ai consultée depuis la lecture de ce Journal. Cette personne m’a dit de plus que M. Akakia eut tant de joie de se voir choisi pour aller fomenter les troubles de la Hongrie, qu’encore qu’il fût bien malade, il se trouva bientôt assez de santé pour partir. N’osant rendre la route Allemagne, il s’en alla en Angleterre, où il s’embarqua pour la Suède, d’où il se rendit par mer à Riga, et de là en Pologne, où il est mort. C’était un homme d’intrigue, et qui agit vivement pour la conclusion de la paix d’Olive.

(E) Ceux qui ont mis sa mort à l’année 1605 se sont abusés. ] C’est ce qu’a fait l’auteur du Diarium Biographicum [3] ; car voici comme il parle sous cette année-là : Martinus Akakia, Gallus Catalaunensis, medicinæ doctor et professor Lutetiæ Paris. Après quoi il donne le titre de quelques livres dont Akakia de Châlons est véritablement l’auteur. Si l’on avait su que Brissot, dont notre Akakia fut disciple, n’était plus en France l’an 1519, on n’aurait pas allongé la vie de ce disciple jusqu’à l’année 1605, ou bien on aurait dû dire quelque chose d’une vieillesse aussi extraordinaire que l’aurait été celle-là. Ce qui a pu tromper l’auteur du Diarium est qu’en l’année 1605 il mourut un médecin qui s’appelait Akakia. Il était petit-fils du disciple de Brissot. Guy-Patin en parle de cette manière avec sa liberté cynique : Deux docteurs de notre compagnie travaillèrent à l’Apologie de Théodore Mayerne Turquet ; savoir, Seguin notre ancien, qui a toujours porté les charlatans, et son beau-frère Akakia, qui mourut, l’an 1605, de la vérole qu’il avait rapportée d’Italie, où il était allé avec M. de Béthune, ambassadeur à Rome[4]. Si notre Martin Akakia eût pu gagner un tel mal au temps de cette ambassade, il aurait été, sans contredit, le plus vieux paillard de l’Europe.

  1. Il a paru au mois de septembre 1693.
  2. Il fut tué au passage du Rhin, le 12 de juin 1672.
  3. Henningus Witte, professeur à Riga, en Livonie
  4. Patin, Lettre VIII de la première édition.

AKAKIA (Martin), Parisien, fils du précédent, fut reçu docteur en médecine de la faculté de Paris, l’an 1572. Tristan de Rostaing, chevalier de l’ordre, et Amiot, évêque d’Auxerre, se rendirent ses patrons (A), et lui firent donner par Charles IX, en 1574, la charge de premier lecteur et professeur royal en chirurgie. Quatre ans après, il devint second médecin de Henri III[a]. Comme il se plaisait à porter des leçons fort étudiées dans les écoles royales, et que cela lui prenait beaucoup de temps, il craignit que la visite des malades et les fonctions qu’il lui fallait faire à la cour ne fussent un fardeau trop pesant pour

  1. Voyez la remarque (A).