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AILLI.

ment ; disant qu’il a escrit un livre intitulé de la Réformation de l’Église, lequel pourtant ne se trouve pas au catalogue de ses livres, qui sont en grand nombre, tant en théologie, qu’en mathématiques[1]. » Rien n’est plus vrai que ce qu’assure Pantaléon touchant le livre de Pierre d’Ailli. Quant au Catalogue des témoins de la vérité, compilé par Flacius Illyricus, on y trouve Pierre d’Ailli, condamnant[* 1] le dogme de la transsubstantiation[2], et donnant au concile de Constance un projet de réformation, selon lequel la cour de Rome eût été privée de tant de moyens qu’elle employait pour amasser de l’argent ; les prélats eussent été obligés à bien vivre et à remplir leurs fonctions ; la pompe des cérémonies, les fêtes superflues[* 2], l’abus des jeûnes, et la canonisation des saints, eussent été abolis ; le nombre des moines, des images et des temples eût été diminué[3]. Nous pouvons croire certainement que tous les écrits de Pierre d’Ailli ne sont pas propres à plaire à la cour de Rome, puisque l’on en a inséré trois ou quatre dans l’Appendix du Fasciculus rerum expetendarum et fugiendarum[4]. Orthuinus Gratius avait déjà inféré dans ce Fasciculus le traité de ce cardinal de Emendatione Ecclesiæ. Ce que j’ai dit touchant la diminution des moines ne s’accorde pas avec ce que Thevet avait ouï dire, que Pierre d’Ailli composa un livre intitulé le Bouclier de la Pauvreté, où il faisait l’apologie des religieux mendians[5].

(I) Les cartésiens le mettent aussi au nombre de leurs précurseurs dans la question des accidens. ] Un professeur de Louvain, des plus opposés à M. Descartes, devint l’un de ses plus zélés sectateurs, après avoir trouvé dans des auteurs fort approuvés de l’Église son sentiment de la transsubstantiation, qui était presque le seul point qui l’arrêtait. Il mit quelque temps après dans ses thèses théologiques un extrait du livre que le cardinal d’Ailli, évêque de Cambrai, a fait sur le Maître des Sentences, pour faire voir que ce cardinal propose l’opinion de M. Descartes touchant les accidens de l’Eucharistie, et l’accorde avec la définition du concile œcuménique de Constance[6].

(K) Il composa beaucoup de livres. ] Ses Commentaires sur le Maître des Sentences, et les quatre Traités qui ont été mis dans l’appendix du Fasciculus rerum expetendarum, furent imprimés à Strasbourg en 1490. On imprima au même lieu, et en même temps, un volume de ses Traités et de ses Sermons. Une partie de ces traités fut réimprimée à Douai, l’an 1634, par les soins de Léandre de Saint-Martin, professeur en hébreu à Douai. Thevet assure qu’il a un livre de Pierre d’Ailli, achevé d’imprimer l’an mil quatre cens dix, le douziesme aoust, au commencement que l’art d’imprimerie fut en usage en France, dans lequel il y a grand nombre de figures de mathématiques[7]. Cela ne peut être ; car l’imprimerie ne fut inventée qu’environ l’an 1440[* 3]. Il eût pu dire qu’on imprima à Louvain, en 1487, le Sacramentale de cet auteur, et à Paris, en 1488[8], ses Quæstiones in sphæram mundi Joannis de Sacrobosco, cum Commentariis Petri Cirveli Daronensis Hispani. Ses Météores furent imprimés à Strasbourg, l’an 1504, et à Vienne en Autriche, l’an

  1. * Joly fait observer que Bayle lui-même, dans sa remarque (I), reconnaît que d’Ailli admettait la transsubstantiation.
  2. * Leclerc et Joly remarquent que, loin de conseiller d’abolir des fêtes, d’Ailli travaillait à leur multiplication, ainsi que Bayle l’a dit dans le texte.
  3. * Joly reproche à Bayle son ignorance sur ce qui concerne l’origine de l’imprimerie, et sa date ; mais quoique le premier produit connu de l’imprimerie, ayant une date certaine, soit de 1457, il est à croire que l’invention et les premiers essais ont dû précéder d’un certain nombre d’années ; et Bayle n’est pas remonté trop haut, en disant 1440, malgré la critique de Joly. Quant à la date de 1410 que Thevet donne à un livre imprimé de d’Ailli, Leclerc pense qu’il faut lire 1490, et qu’il s’agit du traité : De Concordantiâ Astronomiæ cum Theologiâ, imprimé en effet cette année même à Augsbourg, in-4o .
  1. Thevet, Hommes illustres, tom. VII, pag. 88.
  2. Voyez la Dissertation de M. Allix, à la tête de la Determinatio Fr. Joannis Parisiensis, imprimée à Londres en 1686, in-8o , p. 71, 72.
  3. Voyez du Plessis, Myst. d’Iniquité, p. 523.
  4. Imprimé à Londres, l’an 1690.
  5. Thevet, Hommes illustr., pag. 90.
  6. Baillet, Vie de Descartes, tom. II, p. 522.
  7. Thevet, Hommes illustres, tom. VII, pag. 89.
  8. Selon Gesner, Biblioth., folio 547 verso, ce fut en 1468.