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AILLI.

Ecclesiasticis prodidit ab eo exstructam esse Bibliothecam ; sed aberrat : id est opus Caroli octavi regis, cujus et nomen μονόγραμμον in Bibliothecæ vitro centies depingitur, et statua in occidentali turbinati parietis cono erecta conspicitur[1]. Il est bien vrai que Pierre d’Ailli voulut qu’une partie des biens qu’il laissait à ce collége servît à acheter des livres, et qu’il donna souvent des livres[2]. Je ne sais point s’il donna sa propre bibliothéque, comme Aubert le Mire l’a débité. Alliacus, dit-il[3], anno 1425 Avenione moriens Bibliothecam suam legavit Navarræo Parisiis collegio, quam ibi magnâ cum voluptate aliquandò vidimus. Je n’ai point vu que M. de Launoi le dise : son silence seul serait capable de réfuter l’écrivain flamand.

(F) Son entêtement pour l’astrologie judiciaire[4]. ] Bellarmin n’a point oublié cette tache. Unum est, dit-il [5], in quo reprehenditur hic auctor, quòd videlicet sensisse videatur Christi nativitatem prœnosci potuisse ex genethliacis observationibus, atque ad hoc adduxerit apparitionem stellæ, quæ apparuit Magis. D’autres observent que Pierre d’Ailli, dans son livre de Concordiâ Historiæ et Astrologiæ divinatricis, a soutenu que le déluge de Noé, la naissance de Jésus-Christ, et tels autres miracles, et tous les prodiges, ont pu être devinés et prédits par l’astrologie[6] et qu’il a rapporté les naissances, changemens, et ruines des républiques et des religions, aux conjonctions des hautes planètes[7]. Bodin ajoute que Jean Pic, prince de la Mirande, prend les hypothèses de Pierre d’Arliac [* 1][8] pour certaines, sans autrement s’enquérir plus avant de la vérité, combien que de trente-six grandes conjonctions, que ce cardinal a remarquées, depuis 115 ans après la création du monde, jusqu’à l’an de Jésus-Christ 1385, il ne s’en trouve pas six véritables[9]. Ce passage de Bodin a été ainsi changé dans l’édition latine : Mirum mihi visum est quamobrem J. Picus Mirandulæ princeps illius hominis errores sanè pudendos in cœlestium orbium doctrinâ pro certis et compertis demonstrationibus habuerit ; cùm enim post orbem conditum anno centesimo decimo quinto usque ad annum Christi 1385, triginta sex Jovis et Saturni concursus tradiderit, vix tamen ullus eo quo decuit loco ac tempore describitur. Le même Bodin attaque ces hypothèses par le fondement : Le cardinal d’Arliac, dit-il[10], prend sa racine aux grandes conjonctions au temps de la création du monde, supposant à son compte qu’il y a 7158 ans, suivant l’erreur d’Alphons, qui est réprouvé de tous les Hébrieux, et maintenant d’un commun consentement de toutes les églises.... Et par ainsi, c’est une erreur insupportable de supposer la grande conjonction de trois hautes planètes l’an de la création 320, et poser qu’il y eust à présent 7118 ans : c’est-à-dire, douze cents ans devant que le monde fust créé. Cette manière de combattre Pierre d’Ailli ne saurait être décisive présentement, vu le poids des hommes doctes, qui préfèrent le calcul de la Bible grecque touchant la durée du monde, au calcul du texte hébreu. Vossius a plus de raison de l’insulter sur la naissance de l’hérésie d’Arius, que sur la durée du monde. Voici les paroles de Vossius ; on y voit que notre astrologue a mis le commencement de cette hérésie sept cents ans après Jésus-Christ ; ce qui est une très-crasse ignorance : Valdè etiam futile est fundamentum quod arti isti ponit. Ait ab initio mundi usque ad diluvium fluxisse annos 2042 [11], à diluvio ad natalem Christi 3102. His ita constitutis, totus est in eo ut ostendat quandocunquè mirandum aliquid contigit in terris, etiam illustrem aliquam stellarum con-

  1. (*) De Alliaco est le nom vulgaire latin de Pierre d’Ailli (Alliacus) ; et c’est de là que Bodin a fait d’Arliac par le changement de la première des deux ll en r, comme en Varlet, Merlin, Merlusine, faits de Vallet, Mellin, Mellusine. Rem. crit.
  1. Ibidem, pag. 475.
  2. Ibidem, pag. 134, 135.
  3. Miræus, in Auctario de Script. Eccles., cap. CCCCLIV, pag. 265.
  4. Voyez la remarque (K) vers la fin.
  5. Bellarmin, de Script. Ecclesiast., p. 384. Il nous renvoie à Sixte de Sienne, Bibliothecæ Sanctæ Ann. XV et LXXXI, et lib. VI, Ann. X.
  6. Vossius de Scientiis Mathemat., p. 215.
  7. Bodin, de la République, liv. IV, pag. 548, de la première édition.
  8. C’est ainsi qu’il le nomme.
  9. Bodin, de la République, liv. IV, p. 548.
  10. Pag. 549.
  11. Vossius a voulu dire 2243.