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AILLI.

publics de l’église de Cambrai[1] : on peut donc mettre dans la liste des mensonges de Thevet ce qu’il dit touchant la patrie de Pierre d’Ailli. Il fut natif d’Allemagne, dit-il[2], en un village fort obscur, dit Ailli, dont aussi, pour la vilité de ses parens, il a tiré sa dénominaison. Il fut si pauvre, que pour avoir le moyen de vacquer à l’estude des lettres, il fut contraint de servir de sous-portier au collége de Navarre. Volaterran avait déjà publié que Pierre d’Ailli était Allemand [3].

(B) Par des traités de logique. ] Il l’entendait parfaitement ; et c’est à cela qu’il fut redevable de la force et de l’adresse avec quoi il soutenait ses opinions, et renversait celles d’autrui. Le célère Wesselus, de Groningue, en parle de cette manière : Quis unquàm ad illum apicem Theologiæ quò Petrus de Alliaco conscendit absque definitionibus, divisionibus, argumentationibus, instantiis logicalibus, perveniret ? in disputationibus dico ubi discussione disertà opus est. Quomodò Petrus Joannem de Montesono in Rotâ de errore quatuordecim illarum conclusionum concussisset, nisi distinctione multiplici, aut elenchi ignorantiâ antecedente vel consequente delusum docuisset ? Opus igitur Theologicis Logicam inferre. Et Gerson ipse, quo tandem tantus ipse Theologus, nisi per accuratissimam illam suam magistri Petri Logicam evasit [4] ? On doit remarquer que M. de Launoi croit que ces mots du passage qu’on vient de lire, Rota de errore, etc., étaient le titre d’un livre fait par Pierre d’Ailli ; mais j’aimerais mieux entendre par Rota le lieu où le pape entendit les disputans. Quoi qu’il en soit, c’est sans doute la Dialectique qui contribua puissamment à cet éloge de Pierre d’Ailli : Aquila Franciæ atque aberrantium à veritate malleus indefessus[5].

(C) Aumônier de Charles VI. ] Voyez du Peyrat, à la page 345 des Antiquités de la chapelle du roi. Il y observe que Pierre d’Ailli n’a jamais porté la qualité de grand aumosnier de France, ny de grand aumosnier du roy, lesquelles estoient encore incognues, et n’ont commencé à paroistre que sous les règnes de Charles VIII et de François Ier, quoi que die l’autheur de la Gaule chrestienne[* 1], en quoi s’est trompé de mesme le continuateur des Annales de Baronius.

(D) Il mourut l’an 1425. ] C’est une chose étrange, qu’un homme de ce rang et de cette distinction soit mort, sans qu’on sache au vrai, ni où, ni en quelle année. Les uns disent qu’il mourut en Allemagne, l’an 1416. Les autres, qu’il mourut à Avignon, le 8 d’août 1425, étant légat du pape en France[6]. D’autres disent bien qu’il mourut à Avignon ; mais ils mettent sa mort à l’année 1426[7]. M. de Launoi se contente de la marquer à l’année 1425, dans la page 479 de son livre ; mais, dans la page 129, il avait dit que Pierre d’Ailli était mort légat du saint siége en Allemagne, l’an 1423 : Anno postquàm vastatum est à Burgundionibus quinto. Or, dans la page 126 de ce même livre, il avait mis ce ravage sous l’an 1418. Les registres de l’église de Cambrai portent qu’il mourut le 9 d’octobre 1425, étant légat du saint siége dans la basse Allemagne ; et qu’au mois de juillet suivant, on porta son corps à Cambrai, où on l’enterra derrière le grand autel[8]. La différence de 1416, et de 1426, est venue d’une faute d’impression : le chiffre 1, mis par mégarde au lieu du chiffre 2, a fondé deux sentimens.

(E) Il fit de grands biens au collége de Navarre. ] Il en a été appelé le second fondateur[9]. C’est lui qui y fit bâtir la maison des théologiens ; mais ce n’est point lui qui y fit bâtir la bibliothéque. M. de Sponde, qui l’assure, qu’est trompé : c’est l’ouvrage de Charles VIII. Spondanus in Annalibus

  1. (*) Claudius Robertus, in Galliâ Christianâ, folio 68.
  1. Apud Launoium, Hist. Coll. Nav. p. 137.
  2. Thevet, Hommes illustres, tom. VII, pag. 86 de l’édit. in-12.
  3. Gesneri Biblioth., fol. 543 verso.
  4. Wesselus, de Potestate Papæ, cap. IX, apud Launoium, Hist. Navar. pag. 469.
  5. Lanuoius, ibid., pag. 134, 476.
  6. Labbe, de Scriptor. Ecclesiast., tom. II, pag. 179.
  7. Vossius, de Histor. Lat., pag. 548. Bellarmin, de Script. Ecclesiast., pag. 384, met la même année, mais sans marquer aucune ville.
  8. Apud Launoium, Hist. Gymn. Navarræ, pag. 137.
  9. Launoius, ibid., pag. 134, 475.