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AILLI.

ment de l’année suivante. Il fut fort considérée de Boniface IX ; et il se servit de cette faveur pour faire établir un théologal dans toutes les églises épiscopales du royaume. Il prêcha à Gênes l’an 1405, sur le mystère de la Trinité, devant le pape Benoit XIII, et persuada à ce pape de faire célébrer à toute l’Église la fête de la Trinité. Il fit admirer son érudition et sa prudence dans le concile de Pise, l’an 1409. Il avait soutenu à Paris, dans toutes les assemblées où l’on avait délibéré sur les remèdes du schisme, que la seule voie de l’éteindre était la convocation d’un concile général. Deux ans après, il fut promu au Cardinalat[a] : il alla en Allemagne l’an 1414, en qualité de légat du pape. Il présida à la troisième session du concile de Constance ; il composa trois écrits pendant la tenue de ce concile : l’un, de Emendandâ Ecclesiâ ; un autre, de Duodecim Honoribus beati Josephi ; un autre, de Modo et Formâ eligendi Papæ, et personne n’eut plus de part que lui aux affaires de cette grande assemblée qui dura trois ans. Il mourut l’an 1425 (D), et fut enterré dans sa cathédrale de Cambrai. Il fit de grands biens au collége de Navarre (E), et destina de grandes sommes par son testament aux services que l’on ferait en plusieurs églises pour le repos de son âme[b]. M. de Launoi, dont j’emprunte tout ce que l’on vient de lire, n’oublie point de regarder comme une tache sur un beau corps la doctrine de Pierre d’Ailli touchant la puissance ecclésiastique. Il veut que l’on impute cela au malheur du temps [c] ; mais je m’étonne qu’il ait oublié une autre tache de ce docteur : je veux dire son entêtement pour l’astrologie judiciaire (F). Au reste, notre Pierre d’Ailli, qui soumettait à la puissance ecclésiastique les sceptres et les couronnes, qui travaillait à la multiplication des fêtes, qui fonda un si grand nombre de messes pour le repos de son âme, qui condamna Jean Hus au supplice (G), ne laisse pas de paraître dans le catalogue des témoins de la vérité (H), comme un précurseur de Luther et de Calvin. Les cartésiens le mettent aussi au nombre de leurs précurseurs dans la question des accidens (I). Il avait été chassé de son église épiscopale, si nous en croyons Érasme, qui ajoute que cet exil lui procura le chapeau de cardinal [d]. Il composa beaucoup de livres (K), dont quelques-uns n’ont encore jamais été imprimés (L). Il se mêla même de rimailler[* 1] en langue vulgaire (M). Consultez les auteurs cités par M. Moréri, et, au lieu de Frissart, auquel il renvoie, lisez Froissard.

  1. * Prosper Marchand, dans son Dictionnaire, au mot Vossius, trouve cette expression désobligeante, et rapporte une pièce de d’Ailli, pour prouver que le jugement de Bayle est trop sévère.
  1. Moréri dit que ce fut à Pise : il se trompe.
  2. Tiré de l’Historia Regii Navarræ Gymnasii, de M. de Launoi, pag. 467 et suiv.
  3. Dictata hujusmodi danda injuriæ temporis sunt, nœvus in candidissimo pectore. Launoius, ibid. pag. 480.
  4. Petrum Aliacensem Cameracensis civitas episcopum ejecit. Roma ex exule fecit cardinalem. Erasm. de Ratione conscrib. Epistolarum, Epist. consolat.

(A) Naquit à Compiègne en Picardie. ] Cela paraît par les registres