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AIGUILLON.

glise de Jupiter Olbien dans la Cilicie ; et Strabon ne dit pas qu’on ait tâché d’en dépouiller Ajax, ni même qu’Ajax en ait été possesseur. On peut bien bâtir un temple, sans en être le pontife, et sans jouir des biens qu’on lui attribue. 4°. Que, supposé qu’Ajax eût été tout à la fois prince et prêtre de la Trachiotide, il serait faux qu’il en eût conservé la possession, et qu’il l’eût laissée à ses descendans : il est clair, par la narration de Strabon, que la suite des successions légitimes fut interrompue quelquefois.

AJAX, ecclésiastique recommandable par sa piété et par ses bonnes mœurs, sous l’empire de Théodose. Il avait un frère nommé Zénon, qui était de la même sagesse que lui. Ils la firent éclater d’abord, non pas dans la solitude, mais dans la ville de Gaza ; puis ils s’attachèrent à la vie monastique. Ils reçurent souvent de rudes coups à cause qu’ils soutenaient courageusement la foi orthodoxe contre les païens. Ajax avait épousé une très-belle femme ; mais on dit qu’il ne la connut que trois fois, d’où sortirent trois garçons ; après quoi il se sépara d’elle par rapport au commerce conjugal, et gouverna sagement l’église de Botolium. Il éleva deux de ses fils à l’étude des choses divines et au célibat, et maria le troisième[a].

  1. Sozom., lib. VII, cap. XXVIII.

AIGUILLON, petite ville de Guienne, sur le confluent du Lot et de la Garonne, à quatre lieues au-dessous d’Agen (A), fut érigé en duché-pairie, pour le duc de Mayenne, l’an 1599. Les lettres en furent vérifiées au parlement l’année suivante[a] ; mais la postérité de ce duc ayant manqué, on renouvela l’érection sous le règne de Louis XIII, l’an 1638, par lettres qui furent vérifiées la même année[b]. Le cardinal de Richelieu fit faire cela en faveur de la dame de Combalet sa nièce, qui a été depuis si connue sous le nom de duchesse d’Aiguillon. Nous parlerons d’elle en son lieu [c]. Elle a laissé, par son testament, ce duché à Marie-Magdeleine-Thérèse de Vignerod, sa nièce, sœur du duc de Richelieu [d]. Rien n’est plus singulier dans l’histoire que la résistance faite par la ville d’Aiguillon (B), en 1346, au duc de Normandie, qui depuis fut le roi Jean. On a honte aujourd’hui de lire cela ; et nos guerriers ne sauraient assez admirer que l’art militaire fût alors si misérable en comparaison de ce qu’il est à présent. Si le duc de Normandie, fils aîné du roi de France, avait emporté Aiguillon après quatorze mois de siége, il se serait rendu digne d’un grand triomphe ; et aujourd’hui, une ville comme était alors celle-là ne ferait point d’honneur à un colonel qui l’emporterait d’emblée. Les Romains faisaient à peu près cette réflexion, lorsqu’ils comparaient les premières guerres de leur ville (C) avec les conquêtes qu’ils firent long-temps après. Mézerai s’embarrasse beaucoup à l’affaire dont je parle[e]. Aiguillon n’eut pas entièrement contre les Anglais le même avantage que contre le duc de Normandie ; car, lorsqu’ils l’assiégè-

  1. Le 2 de mars.
  2. Le 19 de mai.
  3. Dans l’article de (Marie de) Vignerod. [Bayle n’a pas donné cet article.]
  4. Voyez l’État de la France, tom. II. pag. 88 et 89. Édit. de 1680.
  5. Voyez la remarque (B).