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AGRIPPA.

de Léon X[1]. ] Elle est datée de Rome, le 12 de juillet 1513, et signée Petrus Bembus. Il y est loué de son zèle pour le saint siége apostolique ; et cela, sur le bon témoignage que le nonce lui avait rendu : Ex literis venerabilis fratris Ennii episcopi verulani nuncii nostri, aliorumque sermonibus, de tuâ in sanctam sedem apostolicam devotione, deque tuo in ejus libertate incolumitateque tuendâ studio diligentiâque intelleximus : quod quidem nobis gratissimum fuit. Quapropter te in Domino magnoperè commendamus, laudamusque istum animum atque virtutem[2]. Notons que ce bref ne peut pas servir à disculper Agrippa par rapport aux accusations de nécromantie[3] ; car il précéda de plusieurs années la mauvaise réputation de cet homme-là.

(H) Il avait dès lors femme et enfans. ] Quoique je me serve du nombre pluriel, je sais qu’il n’avait qu’un fils : Quorsùm, quæso, in tam suspectâ tempestate unà cum uxore filioque ac familiâ confugissem, relictâ Papiæ domo ac supellectile, rebusque omnibus ? C’est ainsi qu’il parle dans la XLIXe. lettre du IIe. livre. Il était fort content de sa femme ; et voici ce qu’il en dit en un autre lieu : Ego quidem Deo omnipotenti innumeram habeo gratiam, qui uxorem mihi conjunxit secundùm cor meum, virginem nobilem, benè moratam, adolescentulam, formosam, quæ ita ad meam vivit consuetudinem, ut ne contumeliosum verbum inter nos intercidat, atque quò felicissimum me dixero, quorsùm se res vertunt, in prosperis et adversis, semper æquè mihi benigna, affabilis, constans, integerrimi animi, sani consilii, semper apud se manens[4]. Il n’y a qu’une chose qu’il ne dit pas : c’est si elle était riche ou non ; car, d’ailleurs, il la représente douée de tout ce qu’il pouvait souhaiter, belle, jeune, vertueuse, de famille noble, et d’une complaisance qui ne se démentait jamais. Il la perdit l’an 1521, et voulut, je ne sais pourquoi, qu’elle fût enterrée à Metz, où il ne demeurait plus[5]. Il avait soin de recommander que l’on s’acquittât de tous les anniversaires qu’il avait fondés pour l’âme de la défunte[6]. Il convola en secondes noces à Genève, l’an 1522[7]. Il ne se loue pas moins de cette seconde femme que de la première : Ante biennium hoc, dit-il[8], secundam uxorem duxi, virginem nobilem pulcherrimamque, quæ adeò ad meam vivit consuetudinem, ut nescias istane priorem, anne hanc illa, utra alteram in amando obsequendoque æquet an superet. La dernière surpassait de beaucoup l’autre en fécondité : il ne vint qu’un fils de la première ; la seconde accoucha trois fois dans deux ans, et une quatrième fois l’année suivante : Duos ista mihi filios peperit, ambo superstites, filiamque unam quæ vitâ excessit[9]... Uxor mea jam partui proxima est[10]. Il ne dit pas si elle était riche ; mais un de ses amis assure qu’elle l’était : Tu nunc degere Gebennis, illicque probâ, nobili, formosâ, ac locuplete ductâ uxore in artis Apollineæ experimentis clarere singulariter[11] : mais il ne me le persuade point ; car les lettres d’Agrippa, depuis le second mariage, ne prêchent pas moins la misère qu’auparavant. Le troisième fils qu’il eut de son second mariage eut le cardinal de Lorraine pour parrain[12]. Lorsqu’il partit de Paris pour Anvers, au mois de juillet 1528, il laissa sa femme grosse à Paris[13]. Elle accoucha de son cinquième fils à Anvers le 13 de mars 1529[14], et mourut au mois d’août 1529, à Anvers, extrêmement regrettée de son mari, comme on le voit dans la LXXXIe. lettre du Ve. livre : elle avait près de vingt-sept ans accomplis. Je n’ai point remarqué qu’il fasse mention de son troisième mariage dans ses lettres ; mais on sait d’ailleurs, qu’en l’année 1535, il répudia sa femme : Ubi conjugem Mechli-

  1. C’est la XXXVIIIe. du Ier. livre, parmi celles d’Agrippa.
  2. Oper. Agrippæ, tom. II, pag. 710.
  3. On l’emploie à cet usage, en quelque façon, dans Crenii Animadv. Philol. et Histor., part. II, pag. 14 et 15.
  4. Agrippa, Epist. XIX libri II, pag. 736.
  5. Epist. VIII libri III, pag. 785.
  6. Epist XIX libri IV, pag. 846.
  7. Epist XXXIII libri IV, pag. 800. Vide etiam pag. 851.
  8. Epist. LX libri III, pag. 818.
  9. Ibid.
  10. Epist. LXXIV libri III, pag. 826.
  11. Epist. XXXIII libri III, pag. 800.
  12. Epist. LXXVI libri III, pag. 827.
  13. Epist. LV libri V, pag. 933.
  14. Epist LXVIII libri V, pag. 941.