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AGRIPPA.

tinée de tous les pays où pareil les gens s’impatronisent, de quelque religion qu’ils soient. Il sortit de sa patrie l’an 1521, et s’en alla à Genève[a] ; il n’y gagnait pas beaucoup d’argent, puisqu’il se plaint de n’être pas assez riche pour faire un voyage à Chambéri [b], afin d’y solliciter lui-même la pension qu’on lui faisait espérer du duc de Savoie. Cette espérance n’aboutit à rien, et alors Agrippa sortit de Genève et s’en alla à Fribourg en Suisse[c], l’an 1523[d], pour y pratiquer la médecine comme il avait fait à Genève. L’année suivante, il s’en alla à Lyon, et obtint une pension de François Ier. Il entra chez la mère de ce prince en qualité de médecin ; mais il n’y fit point fortune, et ne suivit pas même cette princesse[e] lorsqu’elle partit de Lyon, au mois d’août 1525, pour aller mener sa fille sur les frontières d’Espagne. On le laissa morfondre à Lyon, et implorer vainement le crédit de ses amis pour le paiement de ses gages. Avant que de les toucher il eut le chagrin d’être averti qu’on l’avait rayé de dessus l’état [f]. La cause de sa disgrâce fut qu’ayant reçu ordre de sa maîtresse de chercher par les règles de l’astrologie le cours que les affaires de France devaient tenir, il désapprouva trop librement que cette princesse voulut l’appliquer à ces vaines curiosités, au lieu de se servir de lui dans des choses plus importantes. La dame prit en mauvaise part cette leçon[g] ; mais elle fut encore plus irritée lorsqu’elle sut que l’astrologie d’Agrippa promettait de nouveaux triomphes au connétable de Bourbon (K). Agrippa, se voyant cassé, murmura ; pesta, menaça (L), écrivit, et dit tout ce que son humeur malendurante lui suggérait ; mais enfin il fallut songer à un nouvel établissement. Il jeta les yeux sur le Pays-Bas, et ayant obtenu à Paris, après une infinité de longueurs, le passe-port qui lui était nécessaire, il arriva à Anvers au mois de juillet 1528[h]. Une des causes de ces longueurs fut la brusquerie du duc de Vendôme, qui, au lieu de signer le passe-port, le déchira, en disant qu’il ne voulait point signer pour un devin[i]. En l’année 1529, Agrippa se vit appelé tout à la fois par Henri, roi d’Angleterre, par le chancelier de l’empereur, par un marquis italien et par Marguerite d’Autriche, gouvernante du Pays-Bas[j]. Il choisit ce dernier parti, et accepta la charge d’historiographe de l’empereur que cette princesse lui fit donner. Il publia pour prélude l’Histoire du gouvernement de Charles-Quint, et bientôt après il fallut qu’il fît l’Oraison funèbre de cette dame, dont la mort fut en quelque manière la vie de notre Agrippa ; car on avait ter-

  1. Epist. VII libri III, pag. 784.
  2. Epist XXIV libri III, pag. 794.
  3. Et non pas en Brisgaw, comme dit Melch. Adam.
  4. Agrippa, Epist. XLI libri III, et seq.
  5. Epist. LXXIX libri III, pag. 828.
  6. Epist. LII libri IV, pag. 869.
  7. Epist. XXXVII libri IV, pag. 859, item pag. 870.
  8. Agrippa, Epist. LI libri V, pag. 932.
  9. Conspecto, sive audito nomine meo, præcipiti irâ repentè dirupit papyrum totam, inquiens, se nequaquàm signaturum in favorem divinatoris. Epist. XXXIV libri V, p. 920.
  10. Epist. LXXXIV, libri V, pag. 951.