Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
287
AGGRIPA.

nuls Commentaires réglés sur la Logique ni sur la Rhétorique d’Aristote. Nous n’avons de lui que les trois livres de Inventione dialecticâ, imprimés premièrement à Louvain, l’an 1516, par les soins d’Alard d’Amsterdam, qui les publia en mauvais ordre, tels qu’il les avait pu recouvrer. Quelque temps après, un certain Jacques le Febvre, de Deventer, fit courir le bruit qu’il avait un manuscrit de Inventione dialecticâ, plus ample de trois livres que l’édition de Louvain. C’était un mensonge. Alard, qui alla trouver exprès ce le Febvre à Deventer, ayant vu son manuscrit, ne le trouva ni plus ample, ni plus correct, que celui sur lequel l’édition de Louvain avait été faite. Il en fit des reproches à le Febvre, qui s’excusa comme il put, quoique assez mal. Depuis l’an 1528, Pompée Occo, ayant eu de la succession d’Adolphe son oncle le propre manuscrit d’Agricola, le mit entre les mains d’Alard, qui, l’ayant reconnu bien complet et bien conditionné, le fit imprimer à Cologne, in-4o., avec de longs commentaires, l’an 1539. Quelques années auparavant, Jean Matthieu Prissemius, à qui Alard avait communiqué son manuscrit, l’avait fait imprimer en la même ville, commenté de sa façon. Cet ouvrage, qui est le chef-d’œuvre de Rodolphe, a toujours été généralement estimé, pour l’exactitude du style[1] et du raisonnement. » Ceci vient du même lieu que l’observation contenue dans la remarque (D)[2].

  1. Tout cela peut être vrai, encore que cet Ouvrage soit fort éloigné des manières polies du siècle d’Auguste, et qu’il soit même moins éloquent que d’autres pièces d’Agricola.
  2. C’est-à-dire, de M. de la Monnaie.

AGRIPPA (Henri Corneille), grand magicien, si l’on en croit beaucoup de gens (A), a été un fort savant homme dans le seizième siècle. Il naquit à Cologne le 14 de septembre 1486[a], d’une famille noble et ancienne (B). Voulant marcher sur les traces de ses ancêtres[b] qui, depuis plusieurs générations, avaient exercé des charges auprès des princes de la maison d’Autriche, il entra de fort bonne heure au service de l’empereur Maximilien. Il y eut d’abord un emploi de secrétaire ; mais comme il était aussi propre à l’épée qu’à la plume, il prit ensuite le parti des armes, et servit sept ans cet empereur dans l’armée d’Italie (C). Il se signala dans plusieurs rencontres, et il obtint en récompense de ses beaux faits le titre de chevalier. Il voulut joindre à ses honneurs militaires les honneurs académiques (D) : il se fit donc recevoir docteur en droit et en médecine. On ne peut nier que ce ne fût un très-grand esprit, et qu’il n’eût la connaissance d’une infinité de choses et de plusieurs langues (E) ; mais sa trop grande curiosité, sa plume trop libre et son humeur inconstante le rendirent malheureux. Il changeait éternellement de poste ; il se faisait partout des affaires, et, pour comble d’infortune, il s’attira par ses écrits la haine des gens d’église. On voit par ses lettres qu’il avait été en France avant l’année 1507[c], qu’il voyagea en Espagne l’an 1508[d], et qu’il était à Dôle en 1509[e]. Il y fit des leçons publiques (F) qui le commirent avec le cordelier Catilinet. Les moines, en ce temps-là, soupçonnaient d’erreur ou d’hérésie tout

  1. Agrippa, Epistola XXVI, lib. VII, pag. 1041, edit Lugd., in-8.
  2. Agrippa, Epist. XVIII, lib. VI, pag. 970, et Epist. XXI, lib. VII, pag. 1021. Voyez aussi pag. 736.
  3. Agrippa, Epist. I, lib. I.
  4. Epist. X, lib. I.
  5. Epist. XVII, lib. I.