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AGRICOLA.

C’est un fait certain, qu’en sortant de Saxe il se retira à la cour de Brandebourg, et que l’électeur Joachim II qui avait établi la réformation dans ses états, en l’année 1539[1], le reçut honorablement, et le fit son prédicateur. Il n’est pas moins certain qu’il a joui toute sa vie de la faveur de ce prince : c’est donc une fausseté que de dire, comme font Melchior Adam et Paul Freher, qu’Agricola était papiste, tunc pontificiis sese adjunxerat, lorsque Charles-Quint se servit de lui pour la construction de l’Intérim. Il se relâcha, je l’avoue, sur bien des choses dans cet Intérim ; mais Phlug et l’évêque de Sidon ne se relâchèrent-ils pas aussi sur bien d’autres ? Étaient-ils pour cela luthériens ? Le projet de ces trois personnes ne contenta ni les protestans ni les catholiques ; cela est très-sûr ; mais il y a une grande distinction à faire entre ceux qui, pour le bien de la paix, abandonneraient quelques parties de la réformation, et ceux qui sortent actuellement de la communion protestante, pour entrer dans la communion de Rome. Agricola était sans doute de cette première classe de gens ; mais, n’ayant pas été de la seconde, il ne doit point passer pour papiste. Trouvez donc une faute dans ces paroles de Micrælius : Joh. Agricola….. noster primò, deindè suus, tandem Pontificiorum[2]. Je ne sais si, quand il dit trois lignes après, Homini Epicuræo similior quam pio Theologo, ut scribit Osiander ad annum 1566, quo obiit Agricola, il entend un homme voluptueux ou un homme qui tenait l’indifférence des religions.

  1. Seckendorf, Hist. Luther., lib. III, pag. 234 et seq.
  2. Micrælius, Syntagm. Hist. Ecclesiæ, pag. 733.

AGRICOLA (Michel), ministre luthérien, à Abo, dans la Finlande, est le premier qui a traduit le Nouveau Testament en la langue du pays, Ce qui contribua beaucoup à la propagation du luthéranisme[a].

  1. Ex Micrælio, Hist. Ecclesiast., p. 733.

AGRICOLA (Rodolphe) a été un des plus savans hommes du quinzième siècle[* 1]. L’Italie, qui en ce temps-là traitait de barbare tout ce qui était au delà des Alpes, n’avait rien à quoi la Frise ne pût comparer son Agricola, sans avoir peur d’être vaincue. Ce grand homme était de basse naissance (A) : il naquit environ l’an 1442, dans le village de Bafflon, à deux milles de Groningue. Il fit connaître dès les basses classes ce qu’il serait un jour ; et à peine avait-il reçu le degré de maître és arts à Louvain, qu’il aurait trouvé une chaire de professeur s’il avait eu cette envie : son inclination le porta plutôt à voyager. Il passa de Louvain à Paris, après avoir vécu dans la première de ces deux villes comme un athlète ; je veux dire avec beaucoup de sobriété, de chasteté et d’application au travail (B). De Paris, il alla en Italie, et s’arrêta deux ans à Ferrare (C), où le duc le gratifia de plusieurs bienfaits. Théodore Gaza expliquait Aristote dans cette ville. Agricola, qui fut l’un de ses auditeurs, se fit entendre à son tour, et ne fit pas moins admirer son style que son accent. On avait du chagrin en ce pays-là qu’un tel homme ne fût pas né en Italie. Il n’eût tenu qu’à lui, lorsqu’il eut regagné son pays natal, d’y occuper des charges considérables ; mais l’amour des livres l’empêcha de songer à ces sortes d’établissemens : on l’en retira bientôt. Il avait accepté enfin une charge dans Groningue, et il suivit la cour de Maximilien Ier. pendant six mois pour les affaires de cette ville. Il s’ac-

  1. * Joly annonce que son nom allemand était Cruningen.