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AGREDA.

bon plaisir d’un éphore qui avait vu tomber une étoile, ait subsisté si longtemps ?

(D) Il acquit beaucoup de réputation dans cette campagne. ] Ayant joint, auprès de Corinthe, Aratus, général des Achéens, il fut d’avis de donner bataille à l’ennemi au delà de l’isthme ; mais il soumit son sentiment à celui de ce général, qui trouva plus à propos de ne point donner bataille. Aratus l’avoue lui-même dans son livre. Un certain Baton, de Sinope, ne laissa pas de publier qu’Agis dissuada le combat, auquel Aratus était résolu[1]. N’est-il pas bien étrange qu’un historien débite des choses touchant un général, qui sont démenties par les relations de ce général ? Est-il bien croyable que ces relations soient menteuses au préjudice de leur auteur ? On peut souffrir cette hardiesse pendant quelques mois, et pour cause ; mais quand les événemens ont passé ce terme, il ne faut plus contredire les grands acteurs.

(E) Moréri ne rapporte pas comme il faut ce que dit Agis. ] Voici ce que dit Agis en voyant pleurer un des sergens : Ne me pleure point, car puisqu’on me fait mourir avec une injustice si criante, je suis d’un plus grand mérite que les auteurs de ma mort[2] Au lieu de cela, M. Moréri lui fait dire : Ne pleure point ; car ceux qui pleurent sont beaucoup plus à plaindre que moi. Ce n’est point la seule faute de cet article. M. Moréri dit faussement, 1°. qu’au commencement du règne d’Agis, un éphore nommé Épitadeus, fit ordonner que les pères pourraient déshériter leurs enfans ; 2°. Qu’Agis rectifia les termes de cette ordonnance, qui repeupla en peu de temps la ville ; 3.° que les plus considérables donnèrent les mains au dessein d’Agis. Lisez Plutarque, vous verrez, 1°. qu’il y avait long-temps qu’Épitadeus avait fait passer son décret : 2°. qu’Agis n’eut point le bonheur d’y faire changer la moindre chose : 3°. que ce furent les gens riches qui s’opposèrent à son dessein. Est-ce consulter les originaux ? Est-ce les entendre ?

(F) Les autres dictionnaires sont très-fautifs sur cet article. ] Charles Etienne confond cet Agis avec un autre plus ancien et le distingue de celui que les Lacédémoniens pendirent. M. Hofman ne commet que la première de ces deux fautes. Lloyd n’en corrige aucune.

  1. Plutarch. in Agide, pag. 802.
  2. Plut. in Agide, pag. 804.

AGREDA [a] (Marie d’), religieuse visionnaire, et fameuse par un ouvrage que la Sorbonne a censuré, a vécu au dix-septième siècle. François Coronel son père, et Catherina de Aréna sa mère, qui demeuraient à Agreda, ville d’Espagne, fondèrent un couvent dans leur maison, le 19 de janvier 1619. Une révélation particulière les y poussa. Notre Marie y prit l’habit de religieuse le même jour que sa mère et que sa sœur ; elle y fit profession avec sa mère le 2 de février 1620[b]. Elle fut élue supérieure l’an 1623, et pendant les dix premières années de sa supériorité, elle reçut de Dieu et de la vierge Marie plusieurs commandemens d’écrire la vie de la sainte Vierge. Elle résista à ces ordres jusqu’en l’an 1637 qu’elle commença à l’écrire. L’ayant achevée, elle la brûla avec plusieurs écrits qu’elle avait composés sur d’autres sujets ; elle suivit en cela le conseil d’un confesseur, qui la conduisait en l’absence de son confesseur ordinaire. Ses supérieures et le premier confesseur l’en reprirent très-aigrement, et lui commandèrent d’écrire une seconde fois la vie de la sainte

  1. On la nomme ainsi ordinairement pour abréger ; mais ce n’est point son nom de famille : ce n’est que le nom de la ville où était le monastère dont elle était supérieure.
  2. La profession de sa sœur fut différée parce qu’elle n’avait pas l’âge. Journal des Savans du 16 de janvier 1696, pag. 51, 52, Edit. de Hollande.