Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
264
AGÉSIPOLIS.

εἰπεῖν.[1]. Hegesippus Delphis interrogabat Deum, cùm accepisset priùs oraculum Olympiæ, num ipsi eadem viderentur quæ patri, quasi turpe esset contraria dicere. Si notre Agésipolis avait eu un mauvais dessein contre Apollon, à l’exemple de ce malin personnage dont Ésope a fait l’histoire [2], il y aurait été attrapé ; car la réponse de Delphes fut semblable à celle d’Olympe.

(B) L’expédient dont il se servit est trop curieux pour n’être pas rapporté. ] Il boucha le cours de la rivière qui passait par le milieu de la ville : cela causa une inondation qui affaiblit de telle sorte les fondemens des maisons et des murailles, que les habitans craignirent qu’elles ne tombassent ; et comme ils virent que, si quelque pan de muraille se renversait, leur ville serait emportée d’assaut, ils capitulèrent. Ils n’obtinrent que des conditions très-dures ; car on les força d’aller demeurer à la campagne, divisés en quatre cantons, et l’on démantela leur ville : on aurait puni de mort leurs magistrats si le père d’Agésipolis n’eût intercédé pour eux[3]. Xénophon, qui narre toutes ces choses, ne touche point une circonstance que Pausanias rapporte. Agésipolis détourna vers les murailles de la ville le cours de la rivière. Or la brique de ces murailles n’étant pas cuite se fondait dans l’eau comme la cire se fond par la chaleur du soleil. La raison pour quoi les Mantinéens avaient préféré la brique crue à la brique cuite, est qu’elle ne se brisait pas et ne se dérangeait pas lorsqu’on battait les murailles. Agésipolis n’inventa point ce stratagème ; il ne s’en servit qu’après avoir su que Cimon l’avait employé pour se rendre maître de la ville d’Éione sur le Strymon[4].

(C) Que Pélopidas et Épaminondas furent dégagés du péril. ] Plutarque raconte que les Thébains envoyèrent du secours aux Lacédémoniens dans l’expédition de Mantinée, et que l’aile où ces deux braves combattirent ayant plié, ils ne reculèrent point. Pélopidas reçut sept blessures, et tomba sur un monceau de corps morts. Épaminondas courut à lui, et s’opposa seul à plusieurs, bien résolu de mourir plutôt que d’abandonner son ami. Il fut blessé en deux endroits, et se défendait néanmoins vigoureusement, lorsque Agésipolis, menant des troupes de l’autre aile de l’armée, les dégagea l’un et l’autre[5]. Vous me direz que Xénophon ne parle d’aucune bataille quand il raconte ce qui se passa dans cette guerre de Mantinée : mais je vous répondrai que Pausanias observe qu’Agésipolis avait gagné une bataille avant que de mettre le siége devant la ville, Ὡς δὲ ἐκράτησεν ὁ Ἀγησίπολις τῇ μάχῃ, καὶ εἰς τὸ τεῖχος κατέκλεισε τοὺς Μαντινέας[6]. Cùm verò Agesipolis Mantinenses prælio superatos intra mœnia compulisset ; et j’ajouterai que Xénophon même remarque qu’il y avait des troupes auxiliaires dans l’armée de Lacédémone[7]. Notez que l’événement dont Plutarque fait mention précéda la supercherie avec laquelle Phébidas se rendit maître de la forteresse des Thébains[8]. Ce caractère chronologique convient à l’expédition d’Agésipolis contre Mantinée.

(D) Il fut envoyé quelques années après, etc. ] Je ne fais cette remarque que pour censurer Pausanias, qui conte qu’Agésipolis, abandonnant à regret la guerre d’Argos, tourna toute sa colère contre les Olynthiens. Οὕτω μὲν δὴ ἐκ τῆς Ἀργολίδος ἀνέζευξεν ἀκων, ἐπὶ δὲ Ὀλυνθίους ἐποιεῖτο αὖθις ςρατίαν.[9] Invitissimus itaque ille ex Argivorum finibus castra movit, et contra Olynthios belli impetum convertit. Qui ne croirait en lisant cela que l’expédition d’Olynthe fut une suite immédiate de celle d’Argos ! Qui ne s’imaginerait qu’Agésipolis, en sortant de l’Argolide, prit la route de la Macédoine ? Cependant cela est faux. Il se passa quelques années entre ces deux expéditions. La guerre de Mantinée, dont le même Pausanias a dit quelque chose, suivit

  1. Aristotel. Rhetor., lib. II, cap. XXIII, pag. 445, F.
  2. Æsopus, Fabulâ XIV, cujus Titulus Κακοπράγμων, Maligous. C’était un homme qui avait un moineau à la main, et qui demandait à l’Oracle : Ce que je tiens vit-il, ou non ? Son dessein était d’étouffer le moineau, en cas que l’Oracle eût répondu, Il vit, etc.
  3. Xenophon, lib. V, pag. 323.
  4. Pausanias, lib. VIII, pag. 242, 243.
  5. Plutarchus in Vitâ Pelopidæ, pag. 280.
  6. Pausan., lib. VIII, pag. 242.
  7. Xenophon. lib. V, pag. 323.
  8. Plut in Pelopid., pag. 280.
  9. Pausanias, lib. II, pag. 86.