Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
AGÉSILAÜS.

liés dans la Béotie (D). Il en gagna une autre auprès de Corinthe [a] ; mais il eut ensuite le déplaisir de voir les Thébains remporter des victoires signalées sur ceux de Lacédémone. Ces malheurs l’exposèrent aux murmures de bien des gens ; mais, après tout, ils n’obscurcirent point sa gloire. Il avait été malade pendant les premiers avantages que l’ennemi remporta[b] ; et lorsqu’il fut en état d’agir, il arrêta par sa valeur et par sa prudence les suites des dernières victoires des Thébains : de sorte qu’on crut que, s’il avait été en bonne santé au commencement, on n’aurait pas eu du pire, et que sans lui tout aurait été perdu à la fin[c]. On ne peut nier qu’il n’aimât la guerre plus que l’intérêt de ses sujets ne le demandait[d] ; car, s’il eût pu vivre en paix, il eût épargné à sa patrie beaucoup de pertes, et ne l’eût point engagée à des entreprises qui ne se terminèrent que par une extrême diminution de la puissance des Lacédémoniens. Cette avidité insatiable de guerres et de combats le poussa sur ses vieux jours à une chose qui fut généralement désapprouvée [e]. Il avait plus de quatre-vingts ans lorsqu’il entreprit de mener des troupes en Égypte pour soutenir Tachus qui s’était soulevé contre les Perses. N’étant pas content de ce Tachus, il l’abandonna pour se jeter dans le parti de Nectanabe, parent de Tachus. Il rendit de grands services à ce Nectanabe, après quoi il voulut s’en retourner à Lacédémone ; mais il mourut de maladie en chemin, l’an 3 de la 104e. olympiade (E). Il était âgé de quatre-vingt-quatre ans, dont il en avait régné quarante-un[f]. M. Moréri a fait ici quelques fautes (F). Nous verrons dans l’article de Conon si Cornélius Népos et Justin ont fait leur devoir sur l’histoire d’Agésilaüs. Ce prince ne voulut jamais souffrir que l’on fit son effigie, soit en bosse, soit en plate peinture[g], et il le défendit même par son testament. Quelques-uns ont cru qu’il en avait usé de la sorte parce qu’il n’ignorait pas sa laideur, diffidens formæ suæ[h]. Jamais personne n’a vécu dans une plus grande simplicité que lui (G). Mais il savait très-bien loger l’esprit, le cœur et la religion d’un souverain (H) sous cet extérieur de réforme, et sous cette frugalité philosophique. Il avait une si grande tendresse pour ses enfans, qu’il s’amusait avec eux aux exercices les plus puériles (I), comme est celui d’aller à cheval sur un bâton.

Il ne sera pas inutile de remarquer le peu de cas qu’il faisait de ceux qui tiraient beaucoup de gloire de nourrir et de dresser des chevaux pour la dispute du prix aux jeux olympiques. Il voulut leur faire voir que ce n’était pas grand’chose, et que c’était une affaire de dépense, et non pas une preuve de mérite et de vertu ; et pour cet effet : il persuada à sa

  1. Ex Cornelio Nepote, ibid.
  2. Plutarch. in Agesil., pag. 611, B.
  3. Talem se imperatorem præbuit, ut eo tempore omnibus apparuerit, nisi ille fuisset, Spartam futuram non fuisse. Cornel. Nep., in Agesil. Vitâ, cap. VI.
  4. Plut. in Agesil., pag. 611, B.
  5. Id, ibid., C.
  6. Plut. in Agesil., pag. 617, 618 ; Corn. Nep., in Agesil.
  7. Plut. in Agesil. circa init. Voyez aussi Ciceronis Epistol. ad Famil. XII, lib. V.
  8. Apuleius in Apologiâ, pag. 282.