et vous en dira des circonstances curieuses (E). L’abbé Faydit, dans ses Remarques sur Virgile, page 3, le fait de la maison royale des Domitiens.
(A) Tibère qui haïssait mortellement Agrippine. ] Cette princesse doutait si peu que ce fût lui qui eût suscité ce procès, qu’elle n’en témoigna point de ressentiment à Domitius. Celui-ci, la rencontrant un jour dans les rues, se détourna : elle crut que la honte l’avait porté à faire cette démarche ; et l’ayant fait appeler, elle lui dit de ne rien craindre, et que ce n’était point lui, mais Agamemnon qui était cause de tout cela : Θάρσει, Δομίτιε, οὐ γὰρ σύ μοὶ τούτων αἴτιος εἶ, αλλ᾽ Ἀγαμέμνων. Bono sis animo, Domiti ; non enim tu horum causa es, sed Agamemnon[1]. C’est une marque qu’elle avait lu l’Iliade.
(B) La vieillesse, lui ayant usé l’esprit, ne put néanmoins l’obliger à ne plaider plus. ] Ce défaut n’est que trop commun : il n’y a pas beaucoup de gens qui sachent faire leur retraite bien à propos, ni qui puissent dire comme Horace :
Est mihi purgatam crebrò qui personet aurem :
Solve senescentem maturè sanus equum, ne
Peccet ad extremum ridendus, et ilia ducat[2].
Les poëtes et les orateurs devraient
être les plus diligens à se retirer,
parce qu’ils ont plus de besoin que
les autres d’un grand feu d’imagination :
cependant il ne leur arrive que
trop de se tenir dans la carrière jusqu’au
dernier déclin de l’âge. Il leur
semble qu’on a condamné le public à
boire jusques à la lie tout leur prétendu
nectar. Mais si autrefois les législateurs
renfermèrent dans certaines
bornes le temps où l’on se pouvait
marier (car ils défendirent aux femmes
de cinquante ans, et aux hommes
de soixante de le faire[3], et s’ils supposèrent
qu’après un certain âge il ne
fallait plus songer à procréer des enfans,
soit à cause de l’extinction, soit
à cause de l’affaiblissement des facultés ;
chacun devrait aussi se faire des
bornes pour la production des livres,
qui est une manière de génération à
quoi tout âge n’est nullement propre.
La comparaison employée par Horace
me fait souvenir d’un précepte que
Virgile nous a laissé ; les vieux poëtes
s’en devraient faire l’application :
Hunc quoque, ubi aut morbo gravis, aut jam segnior annis
Deficit, abde domo, nec turpi ignosce senectæ.
Frigidus in Venerem senior, frustràque laborem
Ingratum trahit ; et si quando ad prælia ventum est,
Ut quondàm in stipulis magnus sine viribus ignis,
Incassum furit[4].
Les vieux poëtes, dis-je, devraient
profiter de cette leçon, et ne pas vouloir
monter sur le Parnasse lors même
qu’ils sont devenus semblables à ce
cheval dont Pline a parlé après Aristote :
Generat mas ad annos triginta
tres... Opunte et ad quadraginta durâsse
tradunt adjutum modò in attollendâ
priore parte corporis[5]. Ils
obcurcissent par-là leur première gloire
à l’exemple de notre Domitius Afer.
Voyez ce qui sera dit de Jean Daurat
dans son article. Il y en a qui consacrent
à des poésies dévotes leurs Muses
sur le retour : ce sont pour l’ordinaire
des fruits insipides[6]. Je dis,
pour l’ordinaire ; car sur toutes sortes
de sujets on a de fort excellens ouvrages
composés par des vieillards.
(C) Quintilien… s’était fort attaché à lui. ] À Charles Étienne, Lloyd et Hofman dans leurs dictionnaires, Glandorp à la page 306 de son Onomasticon, et plusieurs autres, remarquent que Quintilien nous apprend cette particularité au livre V : Confitetur senem Domitium sibi adolescentulo cultum ; mais ils disent tous qu’il ajoute que l’autorité que Domitius avait eue était fort diminuée : Sed priore autoritate multùm imminutâ. Je n’ai point trouvé cela dans cet en-
- ↑ Dio Cassius, ad ann. 792, pag. 752.
- ↑ Horat. Epist. I, lib. I, vs. 7.
- ↑ Quid est quare apud Poetas fallacissimus Jupiter desierit liberos tollere ? Utrium sexagenarius factus est, et illi lex Papia fibulam imposuit ? Lactant., lib. I, cap. XVI. Capiti Papiæ Poppeæ legis a Tiberio Cæsare, quasi sexagenarii generare non possent, addito obrogavit. Sueton. in Claud., cap. XXIII, et ibi Commentatores.
- ↑ Virgil. Georg., lib. III, vs. 95.
- ↑ Plin., lib. VIII, cap. XLII.
- ↑ Voyez Baillet, Jug. sur les Poëtes, tom. III, pag. 246. Voyez aussi ce qu’il dit des écrits composés en vieillesse, tom. Ier. des Jugem. des Savans, pag. 389.