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ADRIANI.

avait été le seul des chefs qui ne périt point à la première guerre de Thèbes ; et son fils fut le seul des chefs qui périt à la seconde. Le contrepoids est beaucoup plus juste selon l’hypothèse de ceux, qui donnent toute la conduite de la seconde guerre aux Épigones ; mais ceux qui prétendent qu’Adraste y alla, et qui lui donnent la gloire d’en avoir ramené l’armée victorieuse, supposent nécessairement qu’il y commandait. C’était donc à lui à y périr, afin que la balance devînt égale entre lui et les six collègues qu’il avait eus la première fois.

(I) Est assez bon dans le Dictionnaire de Moréri. ] Je n’y ai trouvé que les petites fautes suivantes : 1°. On y fait Adraste fils de Gordius, au lieu de le faire fils de Midas[* 1], et petit-fils de Gordius, conformément à la traduction latine d’Hérodote. Je sais bien que le texte grec porte qu’il était fils de Gordius, et petit-fils de Midas[1] : mais je sais aussi, d’une part, que M. Moréri n’était pas homme à rectifier les versions par les originaux grecs ; et de l’autre, qu’il y a une leçon grecque conforme à la traduction. 2°. On ne devait pas supprimer que Crésus usa envers Adraste des cérémonies expiatoires que l’on employait pour la purification des homicides involontaires. 3°. Il ne fallait pas dire qu’Adraste se tua sur le corps du fils de Crésus, mais sur son tombeau : car Hérodote remarque que Crésus, ayant excusé et consolé le meurtrier, fit enterrer son fils. 4°. Enfin, il ne fallait pas citer Clio ou Li. Les noms des Muses donnés aux livres d’Hérodote ne servent de rien dans les citations, et principalement lorsqu’on fait un livre français d’un usage aussi populaire que le Dictionnaire de Moréri ; mais en tout cas il fallait achever l’évaluation de Clio à livre premier.

  1. * D’après cette critique de Bayle, les éditeurs de Moréri firent la correction qu’il demandait ; mais d’après un article inspiré dans le tome XI des Jugemens sur quelques Ouvrages nouveaux, les éditeurs de Moréri de 1759 ont rétabli : Adraste, fils de Gordius.
  1. Herod., lib. I, cap. XXXV.

ADRIANI (Jean-Baptiste), né à Florence, l’an 1511, d’une famille patricienne, a écrit en italien l’Histoire de ce qui se passa de son temps. Son ouvrage est une continuation de Guicciardin, et commence à l’an 1536 (A). Le jugement et la bonne foi, la diligence et l’exactitude y règnent beaucoup, et il paraît que Cosme, grand-duc de Toscane, prince d’un esprit vaste et d’une prudence consommée, avait communiqué ses mémoires à l’auteur (B). M. de Thou, de qui j’emprunte ce qu’on vient de lire, reconnaît ingénument qu’il a pris beaucoup de choses dans cette histoire, et qu’il n’y en a point qui lui ait fourni plus de matériaux que celle-là[a]. Il trouve étrange que les Italiens ne considèrent pas Adriani à proportion de son mérite. Outre cette histoire, on a six Harangues de la façon de cet auteur ; savoir : l’Oraison funèbre de Charles V, celle de l’empereur Ferdinand, celle d’Éléonore de Tolède, femme de Cosme, duc de Florence ; celle d’Isabelle, reine d’Espagne ; celle de Cosme, grand-duc de Toscane ; et celle de Jeanne d’Autriche, femme de François de Médicis[b]. Il mourut à Florence, l’an 1519. Je le crois aussi auteur d’une longue Lettre touchant les anciens peintres et sculpteurs, qui est à la tête du troisième volume du Vasari [* 1].

Il était fils du docte Marcel Virgile[c], secrétaire de la république de Florence et professeur

  1. * Ce n’est pas dans le troisième volume, mais dans la troisième partie du second volume.
  1. Thuan. Hist., lib. LXVIII, sub fin.
  2. Jacobo Rilli, Notitie litterarie ed istoriche intorno a gli Uomini illustri dell’ Academia Fiorentina, pag. 45.
  3. Michaël Pocciantius, de Scriptor. Florent., pag. 103.