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ADRASTE.

qu’il régna en premier lieu à Sicyone [a]. Servius le dit aussi sur le VIe. livre de l’Énéide, et on lit la même chose dans Pindare [b] et dans son vieux scoliaste. Ordinairement on ne lui donne que deux filles, Argie, femme de Polynice, et Déipyle, femme de Tydée[c] ; mais il eut encore deux fils, Ægialéus et Cyanippus, et une fille qui s’appelait Ægialée, qui épousa Dioméde son neveu, fils de Tydée, et le chagrina extrêmement par ses impudicités. Quelques-uns disent qu’il fut le premier qui bâtit un temple à la déesse Némésis, et que de là vient qu’elle a eu le nom d’Adrastée (H). Mais je ne doute pas qu’ils ne le confondent avec un autre Adraste. Celui qui bâtit le premier autel à cette déesse, le bâtit sur la rivière d’Æsèpe, dans la Phrygie [d]. On ne trouve point que notre Adraste ait jamais été en Asie, et nous trouvons un roi de ce nom dans la Phrygie, au temps du siége de Troie[e]. Il vaut donc mieux attribuer l’établissement de ce culte de Némésis à un prince asiatique nommé Adraste, qu’à un roi d’Argos de même nom. Hérodote parle d’un Adraste qui se réfugia à la cour de Crésus, roi de Lydie, et qui tua par mégarde le fils de ce roi[f]. L’article de cet Adraste est assez bon dans le Dictionnaire de Moréri (I).

  1. Homer. Iliad., lib. II, vs. 79.
  2. Pindar. Nem., Ode IX.
  3. Stat. Theb., lib. I, vs. 393.
  4. Antimachus apud Strabonem, lib. XIII, pag. 405.
  5. Homer. Iliad., lib. II, vs. 337.
  6. Herod., lib. I, cap. XXXV, et seq.

(A) Les droits de Polynice son gendre. ] Pausanias dit qu’Adraste avait marié sa fille avec Polynice, avant les disputes pour la succession de Thèbes[1] ; mais d’autres prétendent que ce mariage ne se fit qu’après que Polynice, exclus par son frère, se fut retiré chez Adraste. Ils content que Tydée s’y retira en même temps, et que ces deux réfugiés étaient couverts, celui-ci d’une peau de sanglier, celui-là d’une peau de lion ; ce qui fut cause qu’Adraste leur fit épouser ses filles, se souvenant d’un oracle[2] qui lui avait commandé de les marier avec un sanglier et un lion[3]. Le Supplément de Moréri dit faussement que Tydée, interrogé pourquoi il portait la peau d’un sanglier, répondit que c’était parce qu’Œnée son père était le vainqueur du sanglier de Calydonie. Il ne fit point cette réponse ; et ce n’était point Œnée, mais Méléagre qui avait tué ce furieux sanglier. On rapporte mal dans le même Supplément l’oracle qui avait été rendu à Adraste.

(B) La guerre des Épigones. ] Si l’on avait bien pris garde en composant le IIIe. volume de Moréri que cette guerre n’est postérieure à la précédente que de dix ans, on n’aurait pas traduit le mot d’Épigones, par ceux qui naquirent après le siége de Thèbes : on se serait contenté de dire : Ceux qui survécurent à leurs pères, ou bien on eût dit en général, les descendans des premiers chefs.

(C) Qu’il en mourut de chagrin. ] Le Supplément de Moréri lui impute de s’être jeté dans le bûcher de son fils, et cite Hygin. fab. 242 ; et Hérodote, liv. 5. Or il est à remarquer qu’Hérodote ne dit rien d’Adraste qui ait été employé dans cet article du Supplément. La seule chose que l’on pourrait soupçonner avoir été prise d’Hérodote est au commencement de l’article, en ces termes : Adraste fut obligé de se retirer en la ville de Sicyone, chez le roi Polybe, qui lui fit un bon accueil et lui donna sa fille Amphitée en mariage ; mais cela même est fort éloigné d’Hérodote, qui dit que Polybe laissa son royaume par testa-

  1. Pausan., lib. IX, pag. 286.
  2. Il est dans le Scoliaste d’Euripide ad Phœniss., vs. 415. Voyez aussi Stace, Theb., l. I, vs. 395.
  3. Hygin., cap. LXIX. Apollodore, liv. III, dit que l’un d’eux portait sur son bouclier la figure d’une tête de sanglier.