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ADAM.

naud sur le projet d’une nouvelle Bibliothéque d’auteurs jansénistes, dans lequel on parle d’un tiers parti qui se forme, qui ne sera ni janséniste, ni moliniste, et qui mettra saint Augustin entre ciel et terre, ni trop haut, ni trop bas. Ce milieu pacifierait les troubles, si l’on voulait être bien raisonnable. Par là, il serait permis d’être janséniste ou moliniste, selon que le cœur en dirait. Ne doit-il pas suffire aux jésuites que saint Augustin ne soit point la règle de la foi ? En demandaient-ils davantage dans les livres dont les députés des jansénistes[1] tirèrent plus de cent propositions qui attaquaient l’autorité de ce père ?

(M) De persuader que saint Paul outrait les choses par son tempérament trop vif. ] Il y a dans la censure du sermon du père Adam[2] un passage du père Caussin, où saint Paul et saint Augustin sont comparés à deux grandes mers, qui s’enflent par impétuosité d’esprit tellement en une rive, qu’ils semblent vouloir laisser l’autre à sec pour un temps ; mais, comme l’Océan, après s’estre largement répandu d’un costé, retourne dans des limites que Dieu lui a ordonnées, aussi ceux-ci, après avoir couru sur des esprits rebelles, qui s’élèvent contre la vérité, retournent dans une égalité paisible, pour édifier la maison de Dieu[* 1]. Voilà cette roue qui fait plus de tours qu’on ne lui commande, à laquelle nous avons vu qu’un ministre a comparé l’esprit prophétique[3]. Saint Paul et saint Augustin se débordent de temps en temps ; mais ils retournent ensuite comme la marée dans les bornes que Dieu leur marque. Ô le beau moyen de répondre à tous les passages de saint Paul, qui incommodent ! On n’a qu’à dire qu’il avait alors inondé toute la campagne, et qu’il faut l’attendre à son retour dans le lit que Dieu lui avait donné. Le chevalier Edwin Sandis m’apprend une chose qui vient trop bien ici pour n’y être pas insérée. Je scay de très-bonne part, dit-il[4], qu’en Italie ils ont une si vive jalousie contre quelques parties de L’Escriture, et surtout contre les épistres de saint Paul, que quelques jésuites naguères en publiques prédications et autres leurs fauteurs en conversations privées, exaltans saint Pierre comme un esprit excellent, censuraient saint Paul comme personne de cerveau bouillant et fougueux, qui s’estoit laissé emporter en la pluspart de ses disputes si immodérément aux saillies de son zèle, et à l’acrimonie de son esprit, qu’il ne falloit pas faire grand estat de ses assertions : ains, que sa lecture est fort périlleuse, sentant l’hérétique en divers endroits ; et que peut-estre il eust mieux valu qu’il n’eust jamais escrit. En conformité de quoy, j’ai ouy dire à des catholiques romains plus d’une fois, qu’on a jà souvent et par plusieurs fois consulté bien à certes entr’eux de censurer en quelque manière, et réformer les épistres de saint Paul : quoyqu’à dire ce que j’en pense, je n’y puisse prester foy ; tant est l’entreprise en soy blasphématoire et abominable, et tant seroit désespéré le scandale en ces temps. Mais, comme qu’il en soit, il est certain qu’ils estiment saint Paul au-dessous de tous les escrivains sacrez : et je sçay de propre science, et ouïe, que quelques-uns d’entr’eux enseignent en leurs chaires, que ce saint apostre n’avoit autre assûrance de sa prédication, que la conférence qu’il en fit avec saint Pierre : et qu’il n’osa publier ses épistres, que tout premier saint Pierre ne les eust approuvées. Voilà des gens bien maladroits ; car, si les épîtres de saint Paul furent approuvées par saint Pierre, elles ont toute l’authenticité qu’on peut souhaiter.

  1. (*) De la Cour Sainte, tom. III, maxime VI de la prédestination, num. 2.
  1. En 1653. Voyez le Mémorial historique touchant les cinq Propositions, pag. 82.
  2. Pag. 17.
  3. Ci-dessus remarque (E), vers la fin.
  4. Relation de la Religion, chap. XXVI, pag. 215.

ADAM (Melchior) a vécu dans le XVIIe. siecle. Les soins infatigables qu’il a pris de recueillir, d’ajuster et de publier les Vies d’un très-grand nombre de savans, méritaient que quelqu’un lui rendit un semblable office ; et cependant je ne pense pas que personne le lui ait rendu. M. Moréri s’était engagé à parler de lui ; mais il ne se souvint plus de sa