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ADAM.

ment dans le réservoir de Péquet, dans le canal thorachique, dans la veine souclavière, dans la veine cave, dans le ventricule droit du cœur, dans l’artère du poumon, dans la veine du poumon, dans le ventricule gauche du cœur, dans l’aorte. Elle peut savoir sans péché le jeu des valvules qui sont aux extrémités des veines et des artères, les anastomoses, la sécrétion de l’urine, etc. Pourquoi serait-elle donc criminelle d’achever tout son cours d’anatomie, et d’étudier exactement tout ce qui se dit sur les parties, tant intérieures qu’extérieures, qui sont destinées à la procréation des enfans ? Le crime ne saurait consister dans la simple connaissance de ces choses : il faudrait donc qu’il consistât dans les pensées impures qui accompagneraient, qui précéderaient, qui suivraient cette étude-là : mais j’ai supposé qu’on fût dans le même calme que si l’on étudiait l’anatomie de l’oreille. Voilà le cas et l’espèce sur quoi il faut raisonner. Ne m’érigeant point en casuiste, je donne la chose à décider à qui il appartiendra ; et je dis seulement que, pour jouer au plus sûr, il vaut mieux que les personnes qui ne sont pas de profession à devoir connaître ces choses, et surtout celles qui ont fait vœu de continence, n’aient jamais une telle curiosité, et ne la contentent jamais : de sorte que le père Adam n’aurait pu convenir du fait, sans avouer qu’il était tombé en faute. La plus grande charité des gens n’irait guère qu’à ceci : c’est que son auditrice en était logée à la maxime, amare liceat, si potiri non licet. Dùm caremus veris, gaudia falsa juvant.

(L) Il ne fut pas le premier qui parla peu obligeamment de saint Augustin. ] M. Sarrau écrivit à M. de Saumaise, en 1646, que les jésuites disaient tous les jours en chaire, que saint Augustin n’était point la règle de la foi, et que, pour se débarrasser des objections qu’on lui faisait, il avait avancé bien des choses indiscrètement. Non est hic pater regula fidei. Ut se expediret ab argumentis hæreticorum sui temporis, multa liberiùs et inconsideratiùs dixit, quibus non tenemur[1]. Le père Adam, quatre jours après son sermon, avoua à une personne qui lui représentait le préjudice que cette prédication pouvait causer, Que Gabriel à Porta, jésuite, disait souvent qu’il serait à désirer que jamais saint Augustin n’eût écrit de la Grâce[2]. Long-temps avant la naissance du jansénisme, il y avait eu des théologiens qui avaient déclaré fort librement que saint Augustin poussait les choses trop loin, et que, quand il avait en tête certains adversaires, il s’éloignait de leur erreur si ardemment, qu’il semblait passer jusqu’à l’extrémité opposée : par exemple, qu’en combattant l’erreur des pélagiens, il semblait s’avancer trop vers celle des manichéens, et qu’en combattant les manichéens, il semblait adopter l’hérésie de Pélage. Un Irlandais, nommé Paulus Léonardus, cite là-dessus Génebrard, Cornélius Mussus, évêque de Bitonte, Cajetan, et Sixte de Sienne[3]. Mais le père Annat en cite bien d’autres, dans le même livre où il s’efforce de prouver que saint Augustin n’est point du sentiment de Jansénius[4]. Voyez ce que le père Noris a répondu à cette grande nuée de témoins, produite contre ce grand évêque d’Hippone. Quelques protestans ne s’éloignent pas de cette pensée, que saint Augustin outrait les choses. Je ne parle pas du Commentaire Philosophique[5], où l’on approuve en quelque manière le jugement du père Adam ; ni de la Bibliothéque Universelle[6], où saint Augustin est représenté tout tel que le père Adam l’aurait voulu : je parle de M. Daillé, qui, non-seulement enveloppe saint Augustin dans l’accusation générale qu’il fait aux Pères, de sembler donner dans un précipice, quand ils en fuient un autre[7] ; mais qui l’accuse aussi d’avoir traité trop les choses à la manière flottante des philosophes académiciens[8]. Il a paru depuis quelque temps un petit livre intitulé Avis importans à M. Ar-

  1. Vide Epistol. Sarravii, pag. 196.
  2. Défense de saint Augustin contre le père Adam, pag. 24.
  3. Paulus Leonard. Respons. al Expostulationes contra scientiam mediam, pag. 117, 118.
  4. Annati Augustunus vindicatus à Bajanis.
  5. Part. III, pag. 4. Voyez aussi le Supplément, pag. 2.
  6. Tome XIV, pag. 287 :
  7. Daillé, de l’Emploi des Pères, pag. 153.
  8. Là même, pag. 393.