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ADAM.

vres, et les adressa à ses compatriotes pour leur communiquer les lumières qu’il avait acquises à Rome. Il en partit après un séjour de trois années, et il porta à son patriarche Élie un bref de Paul V qui rejetait tous les moyens d’accommodement que ce patriarche avait proposés, et l’obligeait à condamner tous les termes qui pourraient couvrir l’erreur[a]. Adam fut accompagné de deux jésuites[b], qui eurent ordre de travailler à l’entière réunion de cette secte.

  1. Tiré du chap. X du livre V de la Perpétuité de la Foi défendue. M. Arnaud cite le Traité de Pierre Strozza, de Dogmatibus Chaldæorum.
  2. Nicol. Godignus, de rebus Abassinorum. lib. I, apud Aub. Miræum, de Statu Relig. Christ., pag. 226.

(A) Leurs différens n’étaient qu’une dispute de mots. ] Le sieur de Moni[* 1] dans son Histoire critique du Levant, paraît fort persuadé que le patriarche Élie avait raison de soutenir qu’il n’y a qu’une pure question de nom entre les nestoriens d’aujourd’hui et les catholiques. Le nestorianisme d’aujourd’hui, dit-il[1], n’est qu’une hérésie imaginaire, toute cette diversité de sentimens ne consiste qu’en des équivoques, d’autant que les nestoriens prennent le nom de personne d’une autre façon que ne font les Latins. Pourquoi donc n’aquiesca-t-on pas aux éclaircissemens que le patriarche de Babylone fit donner ? C’est que, pour garder le decorum, et par une fausse délicatesse de point d’honneur, il fallait toujours soutenir que le nestorianisme était une dangereuse hérésie : autrement, il aurait fallu prostituer l’honneur des conciles œcuméniques. C’est ce que le sieur de Moni aurait dit en pays de Liberté ; mais en France il a fallu qu’il se soit servi d’expressions un peu moins développées. Comme les conciles, a-t-il dit[2], ont condamné l’hérésie de Nestorius, il était ce semble nécessaire qu’on fît voir à Rome que le nestorianisme était une véritable hérésie, puisqu’elle avait été condamnée par l’Église dans un concile général. Il ajoute avec les mêmes ménagemens que quelques-uns pourraient inférer des actes mêmes des anciens conciles, que le nestorianisme n’est qu’une hérésie de nom, et que si Nestorius et saint Cyrille se fussent entendus, ils auraient pu concilier leurs opinions[3].

  1. (*) Moni est le pseudonyme de R. Simon.
  1. Moni, Histoire Critique de la Créance et des Coutumes des Nations du Levant, pag. 93.
  2. Moni, Histoire Critique, etc. pag. 93, 94.
  3. Là même, pag. 94.

ADAM (Jean), jésuite français, a été un fameux prédicateur (A) dans le XVIIe. siècle. Il était du Limousin, et il entra chez les jésuites l’an 1622, à l’âge de quatorze ans[a]. Ses supérieurs, l’ayant trouvé propre à réussir dans la chaire, l’appliquèrent à cela après qu’il eut régenté les humanités et la philosophie. Il a exercé le métier de prédicateur pendant quarante ans, et s’est fait ouïr dans les principales villes de France, et au Louvre même[b]. Il commença, comme de raison, par les provinces ; mais lorsqu’il s’y fut suffisamment signalé, on l’envoya sur le grand théâtre du royaume. Les conjonctures du temps le favorisèrent : les disputes du jansénisme avaient déjà fort échauffé les esprits ; et jamais homme ne fut plus propre que le père Adam à être détaché contre le parti en aventurier téméraire. Il était hardi et bouillant, et avait toutes les parties nécessaires à un grand déclamateur. Le carême qu’il prêcha à Paris, dans l’église de Saint-Paul, en l’année 1650, fit du fracas. Le prédicateur pous-

  1. Sotuel, Biblioth. Societatis Jesu. pag. 397.
  2. Idem. ibid.