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ADAM.

phrodites de la Terre Australe. Voyez l’article de Sadeur.

(I) De sa taille gigantesque. ] Philon a cru qu’Adam surpassait tous les autres hommes, et quant au corps et quant à l’âme[1] ; mais les Thalmudistes vont infiniment plus loin : ils assurent qu’Adam s’étendait depuis l’un des bouts du monde jusqu’à l’autre quand Dieu le forma ; qu’après qu’il eut péché, Dieu appesantit sa main sur lui et lui réduisit la taille à la mesure de cent aunes[2]. Quelques-uns disent que Dieu fit cela à la requête des Anges qui avaient peur de ce géant ; mais ils supposent que Dieu laissa au premier homme la hauteur de neuf cents coudées. Voyez le premier volume de la Bibliothéque rabbinique du père Bartolocci, à la page 65 et à la 66. Barcepha fait mention de quelques auteurs qui disaient que le paradis terrestre était séparé de notre monde par l’Océan ; et qu’Adam, chassé de ce paradis, traversa la mer à pied pour venir dans notre monde, et qu’il la trouva partout guéable, tant sa taille était énorme[3]. Voilà justement l’Orion ou le Polyphème des poëtes :

.........Quam magnus Orion,
Cum pedes incedit medii per maxima Nerei
Stagna viam scindens, humero supereminet undas[4].
.......Summo cum monte videmus
Ipsum inter pecudes vastâ se mole moventem
Pastorem Polyphemum, et littora nota petentem[5].
.....................
.......Graditurque per æquor
Jam medium, necdùm fluctus latera ardua tinxit[6].


Les Arabes n’ont pas une moindre idée de la taille de nos premiers pères que les auteurs de Moïse Barcepha. Voici ce que nous apprend M. de Monconis : Mon Arabe me dit comme la caravane du Caire arrivait la première à la Mecque, et qu’après y avoir fait sa prière elle allait au pied de la montagne, qui en est distante d’une lieue, attendre les deux autres caravanes de Damas et de Bagdet, qui arrivaient les jours suivans à la Mecque ; et qu’étant toutes, le neuvième de la douzième lune, qui est Diel Heghe, à la fin, dis-je, du neuvième jour entrant au dixième, qui est à l’Asser, toutes les trois caravanes montent au-dessus de cette montagne ; au sommet de laquelle (qui est fort bas, comme de ces monts de terre qui se trouvent seuls au milieu des plaines) ils croient qu’Ève avait la tête appuyée lorsque Adam la connut la première fois, et qu’elle avait ses deux genoux bien loin dans le bas de la plaine sur deux autres, distans l’un de l’autre de deux portées de mousquet, à chaque endroit desquels on a fait mettre une colonne, entre lesquelles il faut, pour être bon Agi, c’est-à-dire pèlerin, passer en allant et en revenant de la montagne, au sommet de laquelle est une mosquée qui est faite comme une niche où il ne peut entrer que sept ou huit personnes [7]. Je vois qu’on cite un Jean Eucidus qui a cru qu’Adam était le plus grand de tous les géans[8], et qu’il l’a voulu prouver par ces paroles de l’Écriture selon la Vulgate, nomen Hebron ante vocabatur Cariath-Arbe : Adam maximus ibi inter Enacim situs est [9]. Saint Jérôme s’imagine, en vertu de ce passage, qu’Adam a été enterré à Hebron[10]. Mais on lui montre que ni l’hébreu ni la version des septante ne disent quoi que ce soit qui concerne Adam ou quelque tombeau[11]. La version de Genève porte : Le nom de Hebron estoit auparavant Karjath-Arbah, lequel Arbah avoit esté fort grand homme parmi les Hanakins. Il y a dans l’île de Ceilan une montagne qu’on nomme le pic d’Adam, parce que, selon une tradition du pays elle a été le lieu de sa résidence[12]. On y trouve encore les traces de ses pieds, longues de plus de deux palmes. Pythagoras ne trouverait point là une taille aussi gigantesque que celle que d’autres attribuent à Adam : Pythagoras, dis-je, qui par la longueur du pied d’Hercule jugea de la taille de ce héros[13]. On dit aussi qu’il y a sur

  1. Philo, de Opific. Mundi.
  2. In libro Sanhedrin.
  3. In Tractatu de Paradiso.
  4. Virgil. Æneid., lib. X, vs. 763.
  5. Id. ibid, lib. III, vs. 655.
  6. Id. ibid, lib. III, vs. 664.
  7. Moncon. Voyages, part. I, pag. 372, 373, édition de Lyon.
  8. Job. Lucidus de Emendat. Tempor., lib. I, cap. IV, apud Pererium in Genes., lib. IV, quæst. III.
  9. Josué, cap. XIV, v. ult.
  10. Hieron. in Matth., cap. XXVII.
  11. Pererius in Genes., lib. IV, quæst. III.
  12. Ludovic. Romanus Patricius in suâ Navigat. apud Bissehum, illustr. Ruinarum, décade I.
  13. A. Gellius, Noct. Att. lib. I, cap. I.