Thétis, accompagnée des déesses marines,
vint au camp des Grecs pour
rendre à son fils les devoirs funèbres
conjointement avec eux, et que les
neuf Muses y tinrent bien leur partie
par leurs chants lugubres. On pouvait
citer Pindare pour ce dernier fait :
Quem ne mortuum quidem carmina
defecerunt : sed et ejus rogo et sepulcro
Heliconiæ Virgines adstiterunt, et
lamentationem memorabilem effuderunt.
Placuit ergo immortalibus strenuum
virum etiam mortuum hymnis
dearum tradere. Ce que le dictionnaire
ajoute, sur la foi d’Homère encore,
qu’ensuite de ces dix-sept jours
les jeunes gens de la Thessalie firent
les funérailles d’Achille, où ils pleurèrent
couronnés de fleurs d’amarante,
devrait être naturellement au
même endroit de l’Odyssée où est le
deuil de dix-sept jours : cependant il
n’y est pas, et j’ai bien peur que
M. Moréri ne se soit servi de quelque
livre où l’on avait mal rapporté la cérémonie
dont Philostrate fait mention
dans le tableau de Néoptolème. C’est
qu’ayant été ordonné aux Grecs, par
l’oracle de Dodone, d’aller faire tous
les ans l’anniversaire d’Achille, les
Thessaliens furent les premiers qui
joignirent des couronnes d’amarante
aux autres cérémonies.
(K) Ils l’enterrèrent au promontoire de Sigée. ] Presque tous les dictionnaires le remarquent. Lloyd, rejetant les autres citations de Pline, qu’il avait trouvées en mauvais état dans Charles Étienne, garde celle du chap. XII du IVe. livre, mais à tort ; car Pline ne parle point là du tombeau qui était à Sigée : il parle de celui qu’on disait être dans une île du Pont-Euxin. C’est au chap. XXX du Ve. livre qu’il dit qu’il y avait eu une ville nommée Achilléon, auprès du sépulcre d’Achille, sur la côte de Sigée. Il est étonnant qu’après la correction de ce passage, Isaac Vossius se soit avisé d’accuser Pline de mettre le tombeau d’Achille au rivage de Rhétée, et celui d’Ajax au rivage de Sigée[2]. Pline a fait tout le contraire. Solin, par un abus qui lui est assez ordinaire, a transporté ce sépulcre sur un autre cap voisin, savoir sur celui de Rhétée, où était le tombeau d’Ajax[3]. Cette méprise se trouve dans les Emblèmes d’Alciat.
Æacidæ tumulum Rhæteo in littore cernis[4].
Ses commentateurs avouent qu’il s’est
trompé, à la réserve de Pignorius,
qui a soutenu le contraire. Il est pourtant
certain, par le témoignage unanime
des auteurs, que le tombeau
d’Achille était au rivage de Sigée.
nous avons déjà dit qu’on y allait
tous les ans lui offrir des sacrifices :
la tradition était que son fantôme s’y
faisait voir armé et en posture menaçante ;
ce qui n’empêcha point Apollonius
de vouloir s’aboucher avec lui
[5]. Je crois même qu’on a dit qu’il
se faisait des miracles à ce tombeau.
Voyez l’article suivant.
(L) Son nom devint celui de la suprême bravoure. ] M. Moréri, sans citer livre, ni chapitre, prétend qu’Aulugelle a dit que, quand on veut parler de quelque soldat généreux, on dit que c’est un Achille ; mais il est faux qu’Aulugelle dise cela. Il dit seulement au chapitre XI du IIe. livre que Sicinius Dentatus, pour avoir fait des actions fort surprenantes à la guerre, fut nommé l’Achille romain. Notre auteur en rapporte quelques circonstances prises de cet endroit d’Aulugelle, sans nous avertir d’où il le prend ; de sorte qu’il le cite, non quand il le faut, mais quand il ne le faut pas ; non quand il lui emprunte son bien, mais quand il lui donne ce qui ne lui est point dû. S’il avait cité Servius[6], il eût allégué de meilleures preuves. Or, ce n’était point seulement la vigueur martiale, c’était aussi celle qu’on faisait paraî-