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ACHÉE.

faire comprendre au traité de paix ; Antiochus en rejeta toujours la proposition, et ne pouvait souffrir que le roi d’Égypte osât lui parler pour des rebelles [a] ; et, dès qu’il eut les mains libres, il s’appliqua fortement à recouvrer les états qu’Achée avait usurpés : il en vint à bout ; il le confina dans Sardes, il l’y assiégea, il prit la ville après un long siége[b], et il se trouva des traîtres dont l’intrigue fit donner Achée dans le panneau. Ils l’engagèrent à sortir de la citadelle de Sardes, et ils le livrèrent à Antiochus, qui le fit punir du dernier supplice, cruellement et ignominieusement : il lui fit couper les extrémités des membres, et puis la tête, qui fut cousue dans une peau d’âne, et il fit attacher le reste du corps sur une croix [c]. Ceci se passa l’an 540 de Rome. Ce fut un exemple propre à servir en deux façons (B). Je ne marque point les fautes de M. Moréri : on les connaîtra aisément par la seule comparaison de son narré avec le mien ; mais pour les fautes de François Patrice, je les marquerai nettement (C).

  1. Idem, ibid, pag. 418.
  2. Idem, ibid, lib. VII, cap. III.
  3. Idem, ibid, lib. VIII, cap. V et VI.

(A) Cousin germain de Séleucus Céraunus, et d’Antiochus-le-Grand. ] Il était fils d’Andromaque, qui était frère de Laodice, femme de Séleucus Callinicus, et mère de ces deux princes [1]. Observons qu’il fut bon fils : car, ayant su qu’Andromaque était en prison dans Alexandrie, il n’oublia rien pour le tirer de cette captivité. Les Rhodiens, ayant connu là-dessus ses dispositions, envoyèrent des ambassadeurs au roi Ptolomée pour lui demander Andromaque. Leur dessein était d’en faire un présent à Achée, afin de l’engager à ne pas tenir aux Byzantins la promesse qu’il leur avait faite de les secourir. Il y avait alors une forte guerre entre les Rhodiens et les Byzantins. Le roi d’Égypte fit quelque difficulté de se dessaisir d’Andromaque : il savait qu’un prisonnier tel que celui-là lui pourrait être de quelque utilité en temps et lieu ; car il était encore brouillé avec le roi de Syrie, et il n’ignorait pas la grande puissance d’Achée. Mais, pour faire plaisir à ceux de Rhodes, il voulut bien enfin leur remettre ce prisonnier ; afin que, s’ils le jugeaient à propos, ils l’envoyassent à son fils. C’est ce qu’ils firent ; et par ce moyen, et par quelques autres, ils se procurèrent l’amitié d’Achée, et ôtèrent au Byzantin le principal fondement de ses espérances[2]. Notez qu’Achée fut marié à Laodice, fille du roi Mithridate [3], laquelle avait été très-bien élevée par Logbasis, bourgeois de Selge, ville de Pisidie[4]. Cette dame soutint le siége de Sardes avec son mari, et se vit contrainte de se rendre après qu’il eut été mis à mort[5].

(B) Ce fut un exemple propre à servir en deux façons. ] Car ce fut un avertissement de se tenir dans la défiance, et de ne point abuser des faveurs de la fortune. Copions les paroles de Polybe, l’auteur de cette moralité. Κατὰ δύο τρόπους οὐκ ανωϕελὲς ὑπόδειγμα γενόμενος τοῖς ἐσομένοις· καθ᾽ ἕνα μὲν, πρὸς τὸ μηδενὶ πιςεύειν ῥαδίως· καθ᾽ ἕτερον δε, πρὸς τὸ μὴ μεγαλαυχεῖν ἐν ταῖς εὐπραγίαις, πᾶν δὲ προσδοκᾶν ἀνθρώπους ὄντας[6]. Exemplum posteris duobus modis utile : primùm, ut nemini temerè esse credendum discamus : deindè, rebus lætis, ut spiritus ne attollamus, sed, ut homines, kumani nihil à nobis alienum putemus.

(C) Pour les fautes de François Patrice, je les marquerai nettement. ] Il prétend que les sujets d’Achée, accablés d’impôts, se soulevèrent et le massacrèrent avec toute sa famille, et jetèrent son cadavre dans le Pactole

  1. Polybii Histor. lib. IV, cap. XIII, pag. 324 ; et lib. VIII, cap. VI, pag. 531.
  2. Polyb. lib. IV, cap. XIII.
  3. Idem, lib. VIII, cap. VI, pag. 531.
  4. Idem, lib. XV, cap. XVII, pag. 425.
  5. Idem, lib. VIII, cap. VI, pag. 532.
  6. Idem, lib. VIII, pag. 528, edit. Casauboni.