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ACCURSE.

Barthélemi[1] ». Or, voici les paroles de Moréri : Le sieur Catel soutient qu’Accurse mourut à Montpellier en 1192. Ce qu’il ajoute a bon besoin de correction : D’autres, dit-il, comme Fischard, et Trithème, le placent dans le siècle suivant ; même le dernier dit qu’il professait à Bologne en 1240. Mais peut-être se sont-ils trompés, en confondant ce grand homme avec François Accurse son fils, qui avoit beaucoup de science et de mérite, et qui fut professeur en droit à Bologne, et conseiller de Richard, roi d’Angleterre. On a dû placer le père au XIIIe. siècle, et on ne courait en cela précisément aucun risque de le confondre avec le fils : de sorte que le doute de M. Moréri est très-mal fondé. Il n’y avait point en ce temps-là un roi d’Angleterre nommé Richard.

  1. Catel, Mémoires de l’Histoire du Languedoc, pag. 293.

ACCURSE (Cervot), fils du précédent, se hâta beaucoup plus que son père de se faire graduer ; car il voulut être docteur en droit avant l’âge de dix-sept ans, et il vint à bout de sa demande, après qu’on eut long-temps discuté si les lois le permettaient[a]. Il se mêla de faire des gloses, et les joignit avec celles de son père ; mais on n’en fit pas beaucoup de cas. Deterior interpres ineptas glossas et longè à vero distantes paternis addidit, quæ Cervotianæ vocatæ ut plurimiùm rejiciuntur [b].

  1. Panzir. de Cl. Leg. Interpr. lib. II, cap. XIX, pag. 149.
  2. Idem, ibidem.

ACCURSE (François)[* 1], frère aîné du précédent, fut si estimé par ceux de Bologne, que, lorsqu’ils eurent appris qu’il devait suivre le roi d’Angleterre en France pour y enseigner le droit, ils lui défendirent de s’absenter, et le menacèrent de lui confisquer tous ses biens, s’il sortait hors de leur ville. Il crut être plus fin qu’eux en vendant tous ses biens à un ami ; mais sa finesse fut nulle : on ne laissa pas de les confisquer. Cela le contraignit de revenir, et il en obtint la restitution. Il avait enseigné à Toulouse, et s’était trouvé un jour fort embarrassé en expliquant la matière des intérêts. Jacques de Ravanne, l’un des plus doctes jurisconsultes de son temps, se fourra parmi les auditeurs incognito, en faisant de l’écolier, et lui fit des objections qui demeurèrent sans bonne réponse. Quelques-uns ont dit qu’Accurse, à son retour à Bologne, y fut professeur en droit avec Bartole, et qu’ayant eu avec lui une dispute sur la leçon d’une loi, il fallut envoyer à Pise pour y consulter l’ancien manuscrit des Pandectes. Mais quelle apparence qu’il ait vécu jusqu’au temps que Bartole était professeur (A)[a] ?

  1. * Joly est d’avis d’écrire, François, fils d’Accurse.
  1. Tiré de Panzirol. de Clar. Leg. Interpr. lib. II, cap. XIX, pag. 148.

(A) Qu’il ait vécu jusqu’au temps que Bartole étoit professeur ? ] Bartole naquit l’an 1313, et fut reçu docteur en droit à l’âge de vingt et un ans, c’est-à-dire l’an 1334[1] : il faudrait donc qu’Arcurse le fils eût vécu pour le moins six-vingts ans, s’il avait vu Bartole enseigner le droit ; car il avait été émancipé de son père[2]. Prenons qu’il n’eût que quinze ans lorsqu’il fut émancipé, et que l’année de son émancipation ait été la dernière de son père, c’est-à-dire l’an 1229 ; nous ne laisserons point de trouver qu’en 1334 il aurait eu six-vingts ans. La conjecture de Panzirole est assez bonne : c’est que l’Accurse qui fut

  1. Panzirol. de Cl. Leg. Interpr. cap. LXVII.
  2. Idem, ibid. cap. XXIX.