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ACCURSE.

un Français. Antiqui (interpretes juris) inter quos Accursius et Bartolus principatum tenent, de sermone non valdè anxii, rerum quas tractant curam solam habuerunt : quas cùm nossent, quantùm in illà barbarie et codicum depravatione nosse poterant, explicare nisi inconditè et barbarè nequiverunt, quod non tam eis quàm seculo illi tribuendum, quo linguæ et bonæ litteræ prorsùs jacebant[1]. Notez que Barthius donne à Accurse le prénom Franciscus : il n’est pas le seul qui le fasse[2]. J’avais suivi ces gens-là dans la première édition ; mais je les abandonne dans celle-ci.

(E) Une fille fort savante. ] Panzirole n’en parle que par un on dit. Filiam quoque habuisse dicitur, quæ jus civile Boloniæ publicè docuit[3]. Dès qu’un fait de cette nature est douteux, il s’en faut très-peu qu’il ne soit faux ; car de telles choses sont trop singulières pour demeurer dans l’incertitude quand elles sont véritables. Ainsi je n’ajoute pas beaucoup de foi à ce que je viens de lire dans le Théâtre de Paul Fréher, qu’Accurse eut quelques filles qui, à cause de leur excellente érudition, furent employées à faire des leçons publiques à Bologne[4]. Fréher agréera, s’il lui plaît, que je me défie de Jean Frauenlobius, dont il cite un livre allemand.

(F) Il mourut l’an 1229. ] Vous ne voyez rien de semblable dans le Théâtre de Paul Fréher, qui a été compilé avec tant de peine et pendant un si long temps. Vous y voyez, au contraire, qu’Accurse florissait l’an 1236, qu’il mourut l’an 1279[* 1], et qu’il fit les gloses sur les Authentiques l’an 1236[5]. Il est cité lui-même pour ce dernier fait par Jean Fichbard, dans la Vie des jurisconsultes[6]. Cette citation est fausse ; car voici une observation qui m’a été communiquée de bon lieu[7]. « Volaterran dit qu’Accurse commença d’étudier en droit à quarante ans, et qu’il mourut l’an 1279, en la soixante-dix-huitième année de son âge[8] ; d’où il s’ensuivrait qu’il serait né l’an 1201. Cependant Accurse lui-même nous apprend, sur l’Authentique ut præp. nom, imp. au mot indictiones, qu’il écrivait actuellement en l’année 1220 ; et sur la loi pénultième au code de accusationibus, qu’il écrivait en l’année 1227 : ce qu’il n’aurait pu faire si le calcul de Volaterran avait lieu ; autrement, Accurse aurait travaillé sur le droit long-temps avant que d’y avoir étudié. Ces époques de 1220 et de 1227 excluent celle de 1236, qui est fautive, et qui ne peut être admise par ceux qui mettent la mort d’Accurse en 1229. »

(G) Qu’on n’avait que faire de la théologie pour connaître les choses divines. ] Coringius l’en a censuré comme il fallait. Voici ses paroles : Ridicula est Accursii gloriato in gl. ad I. 10, sect. 2. ff. de J. et J., nihil opus esse theologiæ studio ad cognoscenda divina, ut quæ ex legum romanarum libris affatim queat peti[9].

(H) M. Moréri allègue très-mal le sieur Catel. ] Comparons le texte de ces deux auteurs l’un avec l’autre : il ne faut que cela pour connaître la bévue. Catel ayant dit que Montpellier est une des premières villes de France, en laquelle le droit romain a été lu publiquement, ajoute : « Car nous trouvons que le grand et ancien jurisconsulte Placentin, qui vivoit avant le glossateur Accurse, a lu publiquement le droit dans la ville de Montpellier, de laquelle il fait souvent mention dans sa Somme, qu’il composa (selon qu’il en a escrit sur les Institutes), demeurant à Montpellier ; ainsi qu’ont remarqué ceux qui ont escrit sa vie. Il mourut dans Montpellier le 12 février 1192, et est enterré dans le cimetière Saint-

  1. * Joly critique cette date de 1279, ainsi que celle de 1229 qu’on lit dans le texte. Il ajoute que d’autres disent 1259 ou 1260, mais qu’il est pour 1245.
  1. Rolandus Maresius, Epist. XL, lib. I, pag. 176, 177, edit. Leips. A. 1687.
  2. Arthus Duck et Pope Blount le font aussi. Voyez Pope Blount, Cens. cel. Aut. pag. 286.
  3. Panzirol de Cl. Leg. Interpr. lib. II, cap. XXIX, pag. 149.
  4. Paul. Freher. Theatr. Viror. Erudit. pag. 784.
  5. Idem, ibid.
  6. Apud Freher. ibid..
  7. C’est par M. de la Monnaie.
  8. Volaterr. lib. XXI, pag. 781. Il remarque qu’Accurse commença cette étude sous l’empire de Frédéric II. Or cet empereur régna depuis l’an 1212 jusqu’à 1250.
  9. Conring. de Civili Prudentiâ, cap. III, apud Pope Blount Cens. cel. Aut. pag. 286.