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ACCURSE.

s’enfonçant dans la retraite, il composa une glose continue sur tout le droit, laquelle parut si commode et si utile aux jeunes gens, qu’on ne parla plus des gloses qui avaient précédé celle-là, et qui sans doute n’étaient point si bien disposées, ni si complètes. Les contradictions que l’on remarque dans Accurse viennent, selon quelques-uns, non pas de son inconstance ou d’un défaut de mémoire, mais de ce qu’en rapportant les diverses opinions de ceux qui l’avaient précédé, il ne faisait connaître les auteurs que par la première lettre de leur nom. On veut que cette lettre, étant disparue de divers endroits, ait été cause que les lecteurs aient pris pour son sentiment ce qu’il n’avait dit que comme témoin de la doctrine d’un autre. Son autorité était autrefois si grande (B) que quelques-uns l’ont nommé l’idole des avocats[a]. La plupart des interprètes ont pris autant[b] ou plus[c] de soin d’expliquer sa glose que de commenter le texte même des lois. Quelques critiques, grands amateurs de la politesse du langage, ont horriblement crié contre la barbarie de cet auteur (C) ; mais on convient assez généralement que c’était un grand génie, et que ses défauts viennent du siècle où il a vécu (D). Il vécut fort à son aise, ayant belle maison à la ville, belle maison à la campagne, et deux fils qui étudiaient bien, comme on le verra bientôt. Il y a des gens qui lui donnent une fille fort savante (E), et installée à la profession du droit civil. Il mourut l’an 1229 (F), à l’âge de soixante-dix-huit ans. Son tombeau se voit a Bologne, dans l’église des Cordeliers, avec cette inscription très-courte et très-simple : Sepulchrum Accursii, glossatoris legum, et Francisci ejus filii[d]. Il disait qu’on n’avait que faire de la théologie pour connaître les choses divines (G), puisque les lois romaines nous en instruisaient assez. M. Moréri allègue très-mal le sieur Catel (H). François Hotman n’a pas eu raison de dire qu’Odofred enseigna Azo et Accurse ; car Odofred et Accurse furent tous deux disciples d’Azo, et puis professeurs en même temps à Bologne. Albéric Gentil a remarqué cette faute de François Hotman[e].

  1. Tiré de Panzirol. de Claris Legum Interpr. lib. II, cap. XXIX, pag. 147 et seq.
  2. Arth. Durk de Usu et Author. Juris Civ. Rom. lib. I, cap. V, apud Pope Blount. Cens. celeb. Autor, pag. 286
  3. Forsteri Hstor. Juris Civil. lib. III, cap. XII.
  4. Panzirol. de Cl. Leg. Interpr. Lib. II, cap. XIX, pag. 146.
  5. Alberic. Gentil. in Dialog. de Juris Interpretibus, fol. 60.

(A) Et qu’il avait bien quarante ans. ] D’autres disent qu’il n’en avait que vingt-huit. Jam quadragenarius, vel, ut alii scribunt, XXVIII annos natus, jus civile ab Azone audivit. C’est ainsi que parle Panzirole dans la page 147 de la seconde édition, qui est celle de Venise, en 1655[1]. M. Pope Blount, citant Panzirole et Konig, met trente-sept ans, et non vingt-huit [2]. La citation de Konig est bonne ; mais celle de Panzirole ne l’est pas, à moins que mon édition ne soit différente de la première. Forsterus aurait été plus propre à être cité ; car il rapporte qu’Accurse devint disciple

  1. Panzirol. de Clar. Leg. Interpret. lib. II, cap. XXIX.
  2. Pope Blount, Cens. Celebr. Autor. pag. 286.