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ACAMAS.

contenter son envie. Persée eut pitié de cette pauvre demoiselle ; et d’ailleurs, ayant de la complaisance pour sa femme, il fit amitié avec Acamas, et en obtint une visite dans la ville[a] dont il était gouverneur. Laodice ne manqua pas de s’y rendre, accompagnée de quelques Troyennes. Il y eut un magnifique festin, après quoi Persée la plaça dans un même lit avec Acamas, auquel il dit que c’était une des concubines du roi. Laodice s’en retourna fort contente, et au bout de neuf mois elle accoucha d’un garçon qu’elle fit élever par Æthra, aieule paternelle d’Acamas (A). Cet enfant eut nom Munitus (B) : nous dirons dans les remarques ce qu’il devint[b]. Acamas fut un des braves qui s’enfermèrent dans le cheval de bois[c]. Il eut depuis, dans la Thrace, une aventure assez semblable à la première ; mais les suites en furent très-malheureuses. Phyllis, la fille du roi, devint amoureuse de lui : on passa bientôt aux propositions de mariage ; la belle lui fut promise, dotée de la couronne. Il demanda la permission d’aller faire un tour chez lui ; Phyllis s’y opposa avec toutes les prières dont elle put s’aviser ; et, ne pouvant obtenir de lui qu’un serment qu’il reviendrait, elle lui fit présent d’une boîte consacrée, disait-elle, à Rhéa, mère des dieux. Elle lui recommanda de ne l’ouvrir que lorsqu’il n’aurait plus d’espérance de revoir la Thrace. Acamas aborda dans l’île de Cypre (C), et résolut de s’y établir. Phyllis s’en pendit, après avoir vomi cent imprécations contre ce perfide. Il ouvrit la boîte, et se trouva saisi d’étranges visions ; il monta sur un cheval, et le poussa si mal à propos et d’une manière si étourdie, qu’ils furent tous deux renversés ; d’où il advint qu’Acamas s’enferra dans son épée. Tzetzès raconte cette histoire[d] ; mais il a confondu Acamas avec Démophoon[e] ; car c’est de ce dernier que tous les auteurs racontent ce qui concerne la malheureuse Phyllis. Voyez la lettre passionnée qu’Ovide feint qu’elle écrivit à Démophoon. Il paraît par cette lettre que leur mariage avait été consommé[f]. N’oublions point qu’une des tribus d’Athènes fut nommée Acamantide (D), du nom de notre Acamas[g], et cela par la désignation de l’oracle. Étienne de Byzance le fait fondateur d’une ville de la grande Phrygie (E), et lui fait avoir une guerre contre les Solymes. Je n’oserais décider si la mère d’Acamas était Phèdre ou Ariadne (F). Nous parlons dans la remarque (D) de quelques autres Acamas sur lesquels M. Moréri s’est comporté à son ordinaire.

    διοίχομένην, ἀρήγειν αὑτη. Illamque sic advocasse, ut quantum tandem posset jam jam pereunti auxilium ferret. Parthenii Erotic., cap. XVI.

  1. Elle se nommait Dardanus.
  2. Tiré d’Hegesippi lib. I de Rebus Milesiorum, cité par Parthenius, Eroticor., cap. XVI et de Tzetzes sur Lycophon.
  3. Tryphiodorus, de Exid. Trojæ. Vide etiam Pausaniam, lib. I, pag. 21.
  4. Tzetzes, in Lycophron.
  5. Qui était aussi_fils de Thésée.
  6. Turpiter hospitium lecto cumulasse jugali
    Pœnitet, e lateri conseruisse latus.
    Ovid. Epist. Phyll. II 57.

  7. Pausanias, lib. I, pag. 5, et lib. X. pag. 325 Voyez aussi Suidas et Stephanus Byzantinus.