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ABULPHARAGE

Kan[* 1]. Tout ce qu’Abraham Zacuth en a dit dans son Juchasin a été pillé, et bien d’autres choses aussi, dans l’histoire d’Abulpharage. On ne saurait deviner en vertu de quoi Abraham Ecchellensis a donné[a] à notre auteur le nom de Gregorius Bar Hebræus[* 2] Syrus[b] (F).

  1. * Abulpharage, dit Chauſepié, a composé plus de trente autres traités dont on trouve la liste dans la Biblioth. Orientalis d’Assemanni.
  2. * Ce nom de Bar Hebræus, qui signifie fils d’un Hébreu, se lit au titre des ouvrages d’Abulpharage. Cette remarque d’Assemanni, rapportée par Chauſepié, prouve que Pocock induit Bayle en erreur.
  1. In præfat. Biblior. Πολυγλώττων, Paris. et alibi.
  2. Tiré des préfaces de Pocock.

(A) Il était de Malatia. ] C’est en vain que j’ai cherché cette ville dans les préfaces de Pocock, dans le Trésor d’Ortélius, et dans la Géographie de M. Baudrand. Le hasard m’a été plus favorable que mes recherches, car, en feuilletant pour d’autres choses ce qu’on appelle la Géographie de Nubie, j’y ai trouvé que Malatia était une ville forte, à cinquante-un mille pas de Samosate, tirant vers la source de l’Euphrate[1].

M. Baudrand m’a fait savoir qu’il a parlé de cette ville sous le mot Melita et Melitène. Cela est vrai : il la pose dans la petite Arménie, sur l’Euphrate, et dit qu’on la nomme aujourd’hui Malatiah.

(B) Les titres qu’on lui a donnés. ] Voici ce que Pocock a trouvé à la tête d’un exemplaire d’Abulpharage écrit l’an 900 de l’hégire : Dixit dominus noster, pater sanctus, eximius, doctrinâ et eruditione insignis, doctorum rex, excellentium excellentissimus, temporum suorum exemplar, seculi phoenix, sapientum gloria, doctor divinâ ope suffultus, Mar Gregorius Abul-Pharaï, filius excellenter sapientis Aaronis medici malatiensis. Et voici ce qu’il a trouvé à la fin d’un autre exemplaire : Pater et dominus noster, rex doctorum et corona virorum virtute præstantium, dubiorum in theologicis occultorum Ἐπιλύτκς, christianorum princeps primarius, sectæ jacobiticæ medulla, Mar Gregorius, dominus, pater, unicum œvi decus, et seculi phœnix. Ajoutons ce qu’il a trouvé à la tête d’une grammaire syriaque composée par cet auteur : Pater noster sanctus, rex doctorum, Mar Gregorius, doctor Orientis, qui idem est Abul-Pharaï, filius Aaronis medici militiniensis, i. e. malatiensis.

(C) Faisait profession du christianisme. ] Nous venons de voir qu’il était de la secte des jacobites. Cela est plus croyable, selon Pocock, que ce qu’un savant Juif a débité, qu’Abulpharage était de la secte des melchites. Cui potiùs fidem habemus, quàm docto cuidum Judæo, qui eum vocat Ebnol’Koff, christianum malatiensem, sectâ melchitem[2].

(D) Plusieurs mahométans n’étudiassent sous lui. ] L’un des exemplaires de Pocock contient ces paroles d’un mahométan : Auctor libri est Abul-Faraï Ebn Hocima, vir multæ lectionis variisque scientiis instructus et penitius imbutus, præcipuè autem medicinæ gloriâ seculo suo clarus, adeò ut ad eum è plagis occidentalibus frequentes contenderent. Christianus erat, à quo tamen didicerunt multi è Muslemorum eximiè doctis. Ferunt ipsum morte propinquum à fide christianâ descivisse. Ebn Chalecan, auteur fameux qui a fait la Vie des hommes illustres, est celui qui a écrit ces paroles, s’il en faut croire la remarque écrite d’une autre main au même lieu de l’exemplaire[3].

(E) Qui se débitent dans toutes les sectes. ] Nous venons de voir ce qu’on fit courir touchant les dernières heures d’Abulpharage. Les mahométans avaient de la peine à convenir qu’un si grand homme eût été intérieurement chrétien : ils aimaient mieux croire qu’il avait détenu la vérité en injustice, jusqu’à ce que les approches de la mort fissent cesser les raisons de feindre. Voilà une prévention qui règne partout. Chacun s’imagine que les vérités de sa religion sont si claires, que les habiles gens d’un autre parti ne manquent pas de le voir, et qu’il

  1. Geogr. Nubiens, clim. IV, pag. 5 et pag. 197.
  2. Pocock. Præf. Specimin. Hist. Arab.
  3. Pocock. Præf. Compend. Dynast.