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ABUCARAS.

tans, ou contre les hérétiques, ou en général sur des matières de religion. Génébrard mit en latin quinze de ces dissertations, et les publia. Gretser, les joignant aux autres (B), que le père Turrien ou lui avaient traduites, donna une édition qui semblait complète[a]. Mais il oublia quelque chose ; car M. Arnoldus fit imprimer à Paris, en 1685, un Traité d’Abucaras qui n’était jamais sorti de dessous la presse. Il l’avait trouvé dans la Bibliothéque d’Oxford. Il ne l’accompagna point de notes, parce qu’il n’osa toucher au grand mystère que l’auteur examine dans ce Traité[b] ; c’est celui de l’incarnation et de l’union hypostatique. On est en peine sur le temps auquel Abucaras a vécu. Le jésuite Turrien le croit disciple de Jean Damascène. C’est le placer au huitième siecle. Gretser le fait un peu plus jeune (C), car il ne le distingue point de celui qui fut si mêlé dans les troubles de l’église de Constantinople au temps du patriarche Ignace et de Photius. Cet Abucaras suivit d’abord le parti de Photius, et se chargea d’aller pour lui en ambassade avec Zacharie, évêque de Chalcédoine, à la cour de l’empereur Louis II. Il devait présenter à ce prince le livre que Photius avait composé contre le pape Nicolas, et l’exciter à secouer le joug du pape. Mais à peine s’était-il mis en chemin, que Basile le Macédonien, qui avait usurpé l’empire, après avoir fait mourir l’empereur Michel, le rappela et lui commanda de se tenir coi. Deux ans après[c] il se présenta au concile de Constantinople, et demanda humblement pardon de ce qu’il avait suivi le parti de Photius, et protesta qu’on l’y avait entraîné par violence et par artifice. Il obtint ce qu’il souhaitait : le patriarche le reçut à la paix de l’Église, et lui donna place dans l’assemblée[d]. M. Arnoldus avait connu en Angleterre un savant homme qui croyait qu’Abucaras avait vécu au septième siècle[e]. On inséra les œuvres de cet auteur dans le supplément de la Bibliothéque des Pères ; à l’édition de Paris, en 1624.

  1. Elle est grecque et latine, et imprimée à Ingolstad en 1606, in-4.
  2. Arnoldi præfatio.
  3. En 869.
  4. Nicetas Paphlagon. in Vitâ Ignatii, apud Cave. Histor. Litterar. Scriptor. Eccles., pag. 557.
  5. Arnoldi præfatio.

(A) Un prélat. ] Les uns l’appellent archiepiscopum Cariæ[1] ; les autres episcopum Cariæ. Καρῶν Ἐπίσκοπον, Carum episcopum[2]. M. Arnoldus croit qu’Abucaras était évêque de Charan, dans la Mésopotamie : ç’a été aussi le sentiment de Josias Semler [3]. Photius avait destiné Abucaras à la prélature de Laodicée, comme M. Cave le remarque.

(B) Gretser, les joignant aux autres. ] Le Journal des Savans donna une idée très-fausse de l’édition de ce jésuite. Génébrard, dit-on[4], a traduit et publié quinze dissertations de cet auteur, et Gretser les a jointes à ce qu’il a recueilli d’Anastase Sinaïte dans deux manuscrits de la bibliothéque de Bavière. Si l’on avait entendu le latin de M. Arnoldus, on ne serait pas tombé dans cette faute. Theodori Abucaræ dissertationes quindecim jamdiù latinè vertit et edidit Genebrardus, deindè

  1. Cave, Histor. Litter. Script. Eccles. pag. 557. Oudin, Supplem., pag. 259.
  2. Spizelii Specimen Bibl. ; Konigii Bibl. vet. et nova ; et Arnoldi præfatio.
  3. Simler, Epit. Bibl. Gesneri.
  4. Journal XXIII de 1685, pag. 368. édit. de Holl.