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ABRAHAM.

avaient accoutumé d’y lire la veille du jour du sabbat. L’auteur du livre intitulé Cozri dit que cet ouvrage d’Abraham est profond, et qu’il a besoin d’une explication prolixe ; qu’il enseigne l’unité de Dieu ; qu’à certains égards, il semble dire des choses bien différentes ; mais qu’à d’autres égards il ne tend qu’à un même but. Tous les Juifs n’ont pas attribué ce livre à ce grand patriarche. Il y en a qui ont déclaré hautement que c’est un ouvrage supposé, et qui condamnent la hardiesse du rabbin Akiba, qu’ils croient le véritable auteur de la pièce[1]. Quis dedit potestatem R. Aquibæ scribendi librum Jezira, nomine Abrahami patris nostri[2] ? Le supplément de Moréri a sur ce sujet un article bien curieux, tiré de l’Histoire Critique du père Simon. Consultez-la, aux pages 48 et 556 de l’édition de Rotterdam. Aux premiers siècles du christianisme, les hérétiques Séthiens débitèrent une Apocalypse d’Abraham, comme saint Épiphane le remarque[3]. Origène a cité un prétendu ouvrage de ce patriarche où un bon et un mauvais ange sont introduits disputant de son salut ou de sa perte[4]. L’Assomption d’Abraham était aussi un ouvrage supposé[5]. La bibliothéque du monastère de Sainte-Croix, sur le mont d’Amara en Éthiopie, contient, dit-on [6], les livres qui furent composés par Abraham dans la vallée de Mambré, où il enseigna la philosophie à ceux par le moyen desquels il défit les cinq[7] rois qui avaient pris Loth son neveu. Au reste, l’ouvrage de la création, supposé à Abraham, fut imprimé à Paris l’an 1552, traduit en latin par Postel, et accompagné de notes. Rittangel, juif converti, et professeur à Konigsberg. en donna une traduction latine avec des notes, l’an 1642 [8].

(F) Qu’il y commença à bâtir le temple. ] Ils content qu’Adam, chassé du paradis, pria le bon Dieu de lui permettre de bâtir une maison, sur le plan de celle qu’il avait vue dans le ciel ; une maison, dis-je, qui fût le lieu où il dirigeât ses prières, et autour duquel il marchât par dévotion. Dieu fit tomber une tente qui ressemblait à la maison qu’Adam avait vue. Adam se servit de cette tente pour les usages qu’il souhaitait. Après sa mort, Seth bâtit une maison de pierre et de boue sur ce modèle : le déluge la ruina ; mais Abraham et Ismaël la réparèrent par l’ordre de Dieu. D’autres l’ont successivement réparée à mesure qu’elle se ruinait ; et enfin, Héjazus, l’an 54 de l’hégire, la mit en l’état qu’elle est aujourd’hui : et c’est l’oratoire du temple de la Mecque[9]. Voyez la remarque (I) de l’article Agar.

(G) D’une vertu bien singulière. ] Gretser témoigne avoir lu, dans un manuscrit grec de la bibliothéque d’Augsbourg, qu’Abraham planta un cyprès, un pin et un cédre, qui se réunirent en un seul arbre ; chacun néanmoins retenant en propriété ses racines et ses branches : que cet arbre fut coupé, lorsqu’on prépara les matériaux du temple de Salomon ; mais qu’il ne fut point possible de l’ajuster en aucun endroit : que Salomon, voyant cela, résolut de le faire servir de banc : que la sibylle, y étant menée, ne voulut jamais s’y asseoir, et qu’elle prédit que le rédempteur des hommes mourrait triomphamment sur ce bois : que Salomon l’entoura de trente croix d’argent, et que cette situation dura jusqu’à la mort de Jésus-Christ[10]. Cela me remet en mémoire le chêne de Mambré, sous lequel on prétend qu’Abraham ait quelquefois cherché la fraîcheur[11]. On a dit que ce chêne vivait encore sous l’empire de Constans[12]. Drys, id est, quercus Mambre juxta Hebron, in quâ, usque ad ætatem infantiæ meæ et Constantii

  1. Abraham Zachut, in libro Juchasin, pag. 52, apud Heidegger, ibid.
  2. Præfat. 11 Zohar Mantuani, apud eumd, Heidegger, ibid.
  3. Epiphan. advers. Hæres., pag. 286.
  4. Origen. Homil. XXXV ; in Lucam, apud Heidegger, ibid.
  5. In Synopsi Athanasii, liber, qui Assumptio Abrahami dicitur, inter rejectos numeratur. Heidegger, ibid.
  6. Kircherus, dans le Gallois, Traité des Bibliothéques, pag. 142, édit. de Paris.
  7. Il fallait dire quatre.
  8. Spizelii Specim. Bibl.
  9. Ex Pocochii Notis in Specim. Hist. Arab., pag. 115.
  10. Gretser. de Cruce, lib. I.
  11. La version des Septante, Genèse, XVIII, v. 1. favorise cela.
  12. Isidor., lib. XVII, cap. VII, apud Bonifacium, Histor. Ludicr., pag. 385. Il eut mieux fait s’il eût cité ce que je cite de saint Jérôme.