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ABIMELECH.

d’Hellanicus[1], cela venait de ce qu’il se faisait des assemblées en ce lieu-là, pendant lesquelles on jetait sur ces épines diverses sortes de bouquets. Démétrius rapporte qu’il croissait de cette espèce d’épines autour d’Abyde, et qu’il courait une fable parmi les Égyptiens, que les soldats d’Éthiopie que Tithon envoyait au roi Priam, ayant ouï dire que Memnon avait été tué, jetèrent auprès d’Abyde leur couronne de fleurs sur ces épines, d’où il arriva que les fleurs qu’elles produisirent ressemblèrent à des couronnes[2].

(E) Le patriarche Joseph fut enseveli. ] M. Moréri cite Jean Léon, p. 8. On croit d’abord qu’il indique la huitième page ; mais on ne trouve qu’au livre 8 ce qu’il faut chercher. Or, voici ce qu’on y trouve : que c’est une erreur de croire que la ville nommée Mesre Hatichi est celle où demeuraient les rois d’Égypte du temps de Joseph et de Moïse. Il réfute cette pensée, par la raison que ces anciens rois demeuraient au côté occidental du Nil, ce qu’il prouve par deux raisons : 1°. par la situation de la ville que l’Écriture dit que les Juifs bâtirent à Pharao ; 2°. par la situation d’un édifice fort ancien qu’on dit être la sépulture de Joseph. Quelques pages après, il remarque que la ville où est cette sépulture est un bras du Nil, et s’appelle aujourd’hui El Fiium. Je n’ai point trouvé qu’il dise rien de notre Abyde.

  1. In Ægyptacis, apud Athen., lib. XV, cap. VII.
  2. Demetrius in libris Rerum Ægyptiacarum, apud Athenæum, lib. XV, cap. VII.

ABIMELECH, roi de Guérar, au pays des Philistins, était contemporain d’Abraham. Ce patriarche s’étant retiré avec sa famille au pays de Guérar, sa femme Sara, tout âgée qu’elle était de quatre-vingt-dix ans[a], ne s’y trouva pas en sûreté : elle fut enlevée par Abmelech, qui la trouva assez belle pour en vouloir faire sa femme. Abraham aurait évité cet accident s’il avait déclaré qu’il était le mari de Sara : mais, comme il craignit qu’on ne le tuât, il se mit à dire qu’elle était sa sœur, et il la pria de dire qu’il était son frère[b]. C’était la seconde fois qu’il employait cet expédient[c], qui sans doute ne mérite point les éloges que saint Chrysostôme lui a donnés (A). On croit que le roi des Philistins fut frappé d’une maladie qui le rendit impuissant (B), et, quoi qu’il en soit, il est sûr que la providence de Dieu empêcha qu’il ne satisfît la passion qu’il avait conçue pour Sara. Il fut averti en songe qu’elle était mariée avec un prophète, et qu’il mourrait s’il ne la rendait à son mari. Il ne manqua pas de la lui rendre, ni de lui faire des reproches de leurs mensonges. Abraham s’excusa, entre autres raisons, sur ce qu’en effet il était frère de Sara, né du même père, quoiqu’ils n’eussent pas la même mère. C’est ainsi que l’Écriture le fait parler. M. Moréri substitue mal à propos aux paroles du texte sacré celles de Josephe, qui suppose faussement qu’Abraham dit que Sara était fille de son frère[d]. Il a suivi le même auteur sur un fait dont l’Écriture ne dit pas un mot ; savoir, sur une prétendue alliance contractée entre Abimelech et Abraham lors de la restitution de Sara. L’Écriture s’est contentée de dire qu’Abimelech fit de grands présens à ce patriarche, et lui offrit la permission de séjourner où il voudrait dans ses états. Il est vrai qu’il y eut entre eux une alliance ; mais elle ne fut faite

  1. Voyez les dernières remarques de l’article Sara.
  2. Genèse, chap. XX.
  3. Il l’avait employé, Genèse, chap. XX.
  4. Joseph. Antiq., lib. I, cap. XI.