Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
ABÉLARD.

me Domino fundendas ampliùs invitentur. Voici l’absolution d’Abélard : elle devait être mise sur son tombeau ; et c’est pour un tel usage qu’Héloïse l’avait demandée à Pierre le Vénérable [1]. Ego Petrus, cluniacensis abbas, qui Petrum Abælardum in monachum cluniacensem recepi, et corpus ejus furtìm delatum Heloïsæ abbatissæ et monialibus Paracleti concessi, authoritate omnipotentis Dei et omnium sanctorum absolvo eum pro officio ab omnibus peccatis suis[2]. Belleforêt a débité un grand mensonge lorsqu’il a dit que les os de Pierre Abélard furent déterrés et brûlés[3]. La préface apologétique du sieur d’Amboise réfute cela invinciblement.

(Z) Son maître Roscelin. ] Salabert, prêtre d’Agen, révoque en doute, dans sa Dissertation sur la secte des nominaux[4], que Roscelin ait été précepteur de Pierre Abélard. Nous examinerons ses raisons dans l’article Roscelin[* 1].

(AA) De l’explication du droit civil. ] François d’Amboise se trompe, ce me semble, lorsqu’il croit qu’Accurse a parlé de notre Pierre Abélard dans la glose sur la loi Quinque pedum præscriptione. Voici les paroles d’Accurse : Sed Petrus Bailardus, qui se jactavit quòd ex quâlibet quantumcunque difficili litterâ traheret sanum intellectum, hîc dixit nescio[5]. Alciat loue la modestie de ce Pierre Bailard qui avouait de si bonne foi son ignorance là-dessus : Magnus ille Andreas Alciatus in illo quem de Quinque pedum præscriptione scripsit tractatu, postquàm Petrum Bailardum celebrem suâ tempestate professorem laudavit quòd ingenuè fassus esset eam legem à se non intelligi, etc. C’est ainsi que parle François d’Amboise[6] : et ses propres expressions suffisent à le condamner ; car, afin qu’Alciat ait raisonné juste, il faut que le professeur célèbre qu’il a loué ait été professeur en droit. Quelle merveille serait-ce qu’un professeur de dialectique avouât qu’il n’entend point un certain endroit embrouillé du code ? Aussi voyons-nous que ce Bailard est un professeur en droit dans Pierre Crinitus, qui le nomme Joannes Bajalardus. Concluons qu’il ne s’agit point ici de notre Pierre Abélard, et que Pasquier, qui a cru faire une remarque qui ne devait pas être oubliée, en lui appliquant ce qu’a dit Accurse[7], aurait mieux fait de n’en rien dire. Au moins devait-il bien prendre garde qu’il y a dans le passage d’Accurse, non pas Petrus Abelardus, comme il le prétend, mais Petrus Bailardus. Que, s’il était vrai que ce glossateur eût eu en vue notre Abélard, il faudrait dire, ce me semble, qu’il se serait abusé ; car on ne voit aucune raison de croire qu’Abélard se soit mêlé de jurisprudence. Voyons les paroles de Crinitus. Quæsitum est superiori ætate à viris doctioribus quidnam in jure nostro civili præscriptio quinque pedum signaret, qualisque foret in eâ intellectus. Quam rem Laurentius Valla et alii complures cùm non satis perciperent, hâc unâ se ratione defendebant, quòd Joannes Bajalardus, inter eos qui jus civile profitentur vir consultissimus, ingenuè affirmavit se illud ignorare[8]. Thomasius ne devait pas conclure de ce passage que Pierre Abélard ait été quelquefois nommé Baialard[9].

Voici une observation que M. de la Monnoie me communiqua après avoir lu ma remarque (AA). Je suis sûr que l’on aura plus d’avances pour se bien déterminer, quand on aura comparé ses pensées avec les miennes ; c’est pourquoi je me persuade qu’il me permettra de mettre tous mes lecteurs en état de comparer. Je suis persuadé, dit-il, que c’est d’Abélard qu’Accurse, sur la loi Quinque pedum, a entendu parler. Abélard, j’en conviens, ne faisait pas profession de jurisprudence ; mais il passait pour universel ; et pour un homme qui prétendait ne rien trouver au-dessus de son

  1. * Cet article n’existe pas.
  1. Voyez les Œuvres d’Abélard, pag. 343.
  2. In Operibus Abæl., pag. 345.
  3. Belleforêt, Chroniq. de France.
  4. Elle a pour titre Philosophia nominalium vindicata, et est imprimée à Paris, en 1651, in-8.
  5. Apud Fr. d’Amboise, Præf. Apol. Operum Abælardi
  6. Voici les paroles d’Alciat : Adeò autem existimata est difficilis, ut Petrus Bailardus, non incelebris tempestate suâ professor, ingenuè fassus sit eam à se non intelligi.
  7. Pasquier, Recherche de la France, liv. VI, cap. XVII.
  8. Crinitus, de honestâ Discipl., lib. XXV, cap. IV.
  9. Jacob. Thomas. in Vitâ Petri Abælardi, num. 3.