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VIE DE M. BAYLE.

chrétienne une forte preuve contre les fausses religions, et particulièrement contre le mahométisme qui s’est établi par la persécution ; 7o. parce qu’il a été inconnu aux pères de l’église des trois premiers siècles ; 8o. parce qu’il rend vaines et ridicules les plaintes des premiers chrétiens contre les persécutions païennes ; 9o. enfin, parce qu’il exposerait les vrais chrétiens à une oppression continuelle, sans qu’on pût rien alléguer pour en arrêter le cours que le fond même des dogmes contestés entre les persécutés et les persécuteurs, ce qui n’est qu’une misérable pétition de principe qui n’empêcherait pas que le monde ne devînt un coupe-gorge.

Dans la seconde partie, M. Bayle répond aux objections qu’on lui pouvait faire, et qu’il réduit à celles-ci : « 1o. Qu’on n’use point de violence afin de gêner la conscience, mais pour réveiller ceux qui refusent d’examiner. » Il réfute cette excuse, et examine ce qu’on appelle opiniâtreté. « 2o. Qu’on rend odieux le sens littéral en jugeant des voies de Dieu par les voies des hommes : qu’encore que les hommes soient en état de mal juger lorsqu’ils agissent par passion, il ne s’ensuit pas que Dieu ne se serve de ce moyen pour accomplir son œuvre par les ressorts admirables de sa providence. » M. Bayle fait voir la fausseté de cette pensée, et quels sont les effets ordinaires des persécutions. « 3o. Qu’on outre malignement les choses en faisant paraître la contrainte commandée par Jésus-Christ sous l’image d’échafauds, de roues et de gibets ; au lieu qu’on ne devait parler que d’amendes, exils, et autres petites incommodités. » Il montre l’absurdité de cette excuse, et que, supposé le sens littéral, le dernier, supplice est plus raisonnable que les chicaneries, les emprisonnemens, les exils et logemens de dragons dont on s’était servi en France. « 4o. Qu’on ne peut condamner le sens littéral sans condamner en même temps les lois que Dieu avait établies parmi les Juifs, et la conduite que les prophètes ont quelquefois tenue, » M. Bayle fait voir que certaines choses ont été permises, ou même commandées sous l’ancienne loi pour des raisons qui étaient particulières à la république judaïque, et qui n’ont point lieu sous l’Évangile. « 5o. Que les protestans ne peuvent blâmer le sens littéral de contrainte sans condamner les plus sages empereurs et les pères de l’église, et sans se condamner eux-mêmes, puisqu’ils ne souffrent point en certains lieux les autres religions et qu’ils ont quelquefois puni de mort les hérétiques, Servet, par exemple. » M. Bayle blâme la conduite des anciens empereurs chrétiens qui ont persécuté, et n’excuse l’intolérance des princes protestans que lorsqu’elle est un acte de politique nécessaire au bien de l’état. Sur ce pied-là, il soutient qu’il est permis de faire des lois contre le papisme, en vertu de ce qu’il enseigne la persécution,