Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T16.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
VIE DE M. BAYLE.

faire des conversions par la contrainte, et où l’on réfute tous les sophismes des convertisseurs à contrainte, et l’apologie que saint Augustin a faite des persécutions. Traduit de l’anglais du sieur Jean Fox de Bruggs par M. J. F. À Cantorbéry, chez Thomas Litwel, M. DC. LXXXVI. M. Bayle rapporta ce titre dans ses Nouvelles du mois d’août 1686 [1], et ajouta : « Nous avons parlé dans les dernières Nouvelles de mars, p. 345, de Ce que c’est que la France toute catholique, qui est un petit traité où l’on a fait espérer la publication de ce Commentaire. Ce sera sans doute un commentaire d’un tour nouveau. Le titre nous en est venu d’outre-mer depuis deux jours, et l’on nous a promis de nous envoyer bientôt l’ouvrage même. Nous verrons s’il est aussi foudroyant pour la nation des convertisseurs qu’on nous l’insinue dans la lettre d’avis. » Mais cela n’était qu’une feinte. Le livre s’imprimait à Amsterdam chez Wolfgang, qui avait imprimé la France toute catholique. L’impression en fut achevée au mois d’octobre, et M. Bayle en parla dans ses Nouvelles du mois de novembre [2].

Cet ouvrage est divisé en trois parties. Dans la première, M. Bayle réfute le sens littéral de ces paroles, Contrains-les d’entrer ; et comme ce n’est point ici un commentaire théologique ou critique, mais un commentaire philosophique, c’est-à-dire un ouvrage de pur raisonnement, il pose d’abord pour principe, que la lumière naturelle, ou les principes généraux de nos connaissances, sont la règle motrice et originale de toute interprétation de l’Écriture, en matière de mœurs principalement, ou, ce qui revient la même chose, que tout dogme particulier, soit qu’on l’avance comme contenu dans l’Écriture, soit qu’on le propose autrement, est faux lorsqu’il est réfuté par les notions claires et distinctes de la lumière naturelle, principalement à l’égard de la morale ; et il montre que tous les théologiens, sans en excepter même les catholiques romains, conviennent de cette maxime. Après avoir établi et prouvé ce principe, il fait voir que le sens littéral de ces paroles est faux, 1o. parce qu’il est contraire aux idées les plus pures et les plus distinctes de la raison ; 2o. parce qu’il est contraire à l’esprit de l’Évangile ; 3o. parce qu’il contient le renversement général de la morale divine et humaine, qu’il confond le vice avec la vertu, et que par-là il ouvre la porte à toutes les confusions imaginables, et tend à la ruine universelle des sociétés ; 4o. parce qu’il fournit aux infidèles un sujet légitime de défendre l’entrée de leurs états aux prédicateurs de l’Évangile ; et de les chasser de tous les lieux où ils les trouvent ; 5o. parce qu’il renferme un commandement universel dont l’exécution ne peut qu’être compliquée de plusieurs crimes ; 6o. parce qu’il ôte à la religion

  1. Art. II des livres nouveaux, p. m. 961.
  2. Art. III du Catalogue des livres nouveaux, p. m. 1347 et suiv.