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VIE DE M. BAYLE.

teurs qui avaient voulu se cacher. Cette lettre fut écrite les 6 et 7 de mars 1686 ; et M. d’Almeloveen la joignit à la nouvelle édition du livre de M. Deckher, imprimé à Amsterdam sous ce titre : Johannis Deckherri doctoris et imperialis cameræ judicii Spirensis advocati et procuratoris, de scriptis adespotis, pseudepigraphis, et supposititiis, Conjecturæ : cum additionibus variorum. Editio tertia alterâ parte auctior. M. Bayle en parla dans ses Nouvelles d’avril 1686 [1], et marqua quelques fautes d’impression qui se trouvaient dans sa lettre.

1686.

La cruelle persécution qu’on faisait aux réformés en France avait sensiblement touché M. Bayle ; mais il fut pénétré de douleur, lorsqu’il apprit qu’au mois d’octobre 1685 on avait révoqué l’édit de Nantes, qui était le gage et la sûreté de leurs droits et de leurs libertés, et qu’on avait envoyé chez les protestans des dragons, qui y logeaient à discrétion et commettaient toute sorte de désordres et de violences pour les forcer à embrasser la religion romaine. Les uns se soumirent extérieurement ; les autres se réfugièrent dans les pays étrangers, pour y servir Dieu selon les lumières de leur conscience. Cependant les convertisseurs ne laissaient pas de nier hardiment qu’on leur eût fait aucune violence ; à peine s’en trouva-t-il deux ou trois qui avouèrent le logement des gens de guerre, que les protestans appelaient la croisade dragonne, les conversions à la dragonne, ou simplement la dragonnade. M. Bayle fit plusieurs réflexions là-dessus dans ses Nouvelles de la république des lettres avec beaucoup de sagesse et de retenue. Mais enfin, la vue de tant d’injustices, de cruautés et de supercheries, poussa à bout sa patience : lassé d’une infinité d’écrits où l’on ne parlait que de la gloire immortelle que Louis-le-Grand s’était acquise en détruisant l’hérésie et rendant la France toute catholique [2], il publia au mois de mars de l’année 1686 un petit livre intitulé : Ce que c’est que la France toute catholique sous le règne de Louis-le-Grand. Mais afin qu’on ne pût pas même soupçonner qu’il en fût l’auteur, il supposa dans le titre que ce livre avait été imprimé à Saint-Omer, et y mit un avertissement où le libraire disait que le manuscrit lui avait été donné par un missionnaire nouvellement revenu d’Angleterre, qui lui avait conseillé de l’imprimer, persuadé que ce serait une preuve de l’emportement des hérétiques.

Ce petit ouvrage est composé de trois lettres. La seconde, qui fait le corps du livre, est écrite à un chanoine par un réfugié de Londres qui avait été son ami. C’est une censure très-forte et

  1. Art. Ier. du Catalogue des livres nouveaux, p. m. 460.
  2. Le sieur Gautereau, nouveau converti, publia un livre intitulé : La France toute catholique sous le règne de Louis-le-Grand, ou Entretiens de quelques Français de la religion prétendue réformée, qui, ayant abjuré leur hérésie, font l’apologie de l’église romaine, etc. Lyon, 1685, 3 volumes in-12.