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VIE DE M. BAYLE.

rée de ceux mêmes qui avaient fait tout ce qu’ils avaient pu pour le faire mourir papiste, et des attaques desquels il triompha glorieusement. » Il était bien versé dans l’histoire sacrée et profane, et dans la connaissance des auteurs anciens et modernes. Le zèle qu’il avait pour sa religion était accompagné de douceur et de sagesse. Quoiqu’il ressentît vivement tous les maux qu’on faisait aux réformés, il conserva toujours une fidélité inviolable pour la personne du roi, et une parfaite soumission à ses ordres, persuadé qu’un chrétien ne doit opposer à son souverain que les supplications et les larmes [1].

M. Paets était alors en Angleterre de la part des Provinces-Unies ; et comme on y agitait beaucoup la question de la tolérance, il écrivit le 12 de septembre une lettre latine à M. Bayle sur cette matière, que M. Bayle fit imprimer à Rotterdam sous ce titre ; A. V. P. ad B *** [2], de nuperis Angliæ motibus epistola ; in quâ de diversorum à publicâ religione circa divina sentientium disseritur tolerantiâ. Dans cette lettre, M. Paets admirait d’abord la révolution qui s’était faite dans l’esprit et dans les sentimens des Anglais à l’égard de Jacques II. Il louait ce prince de n’avoir point dissimulé sa religion en montant sur le trône ; et il espérait qu’il tiendrait fidèlement à ses sujets protestans la parole qu’il leur avait donnée, de les laisser jouir tranquillement de la religion qu’ils professaient. Le reste de la lettre était employé à réfuter ceux qui enseignent que les rois ne doivent souffrir qu’une religion dans leurs états, et que les peuples ne doivent souffrir un prince que de leur religion. Il faisait voir que rien n’était plus opposé au génie de l’ancien christianisme que l’esprit de persécution ; et, après avoir examiné les raisons des politiques et des théologiens pour défendre l’intolérance, il combattait l’autorité infaillible que s’arroge l’église romaine. Dans une apostille, il éclaircissait et confirmait certaines choses qu’il avait dites, et montrait qu’il serait facile de ne faire qu’une société de toutes les sectes protestantes. M. Bayle, jugeant que cette lettre était très-propre à inspirer des sentimens de douceur et de modération, voulut bien la traduire en français. Sa traduction parut au mois d’octobre, intitulée, Lettre de monsieur H. V. P. à monsieur B ***, sur les derniers troubles d’Angleterre : où il est parlé de la tolérance de ceux qui ne suivent point la religion dominante [3]. Elle fut aussi traduite en flamand. M. Bayle en donna un extrait dans ses Nouvelles du mois d’octobre 1685 ; et, M. Paets étant mort après l’impression de cet article, il y ajouta en peu de mots, dans une nouvelle édition, l’éloge de ce

  1. Voyez son Discours à M. d’Aguesseau, intendant de la généralité de Montauban, et sa Réponse au consistoire de Mazères, dans l’Histoire de M. Bayle et de ses ouvrages, imprimée à Amsterdam, 1716, p. 98 et suiv.
  2. C’est-à-dire, Hadriani Van Paets ad Bælium.
  3. À Rotterdam, chez Reinier Leers, 1686, in-12.