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VIE DE M. BAYLE.

ce en l’année 1682 [1]. M. Basnage avait souhaité que le manuscrit fût communiqué à M. Jurieu ; et M. Jurieu fit imprimer son approbation à la tête du livre. Les autres écrits qu’on envoya à M. Bayle étaient des réponses à un livre de M. Brueys, avocat de Montpellier. M. Brueys s’était distingué parmi les réformés par une réfutation du livre de M. Bossuet, évêque de Condom et ensuite de Meaux, intitulé : Exposition de la doctrine de l’église catholique. Mais il changea ensuite de religion, et, se conformant à la méthode ordinaire des nouveaux convertis, il écrivit contre le parti qu’il avait quitté. Son livre parut en 1683, sous ce titre : Examen des raisons qui ont donné lieu à la séparation des protestans, fait sans prévention sur le concile de Trente, sur la confession de foi des églises protestantes et sur l’Écriture Sainte. Il était écrit d’une manière douce, insinuante, et avait un air de désintéressement qui pouvait d’abord imposer, et surprendre les esprits faibles et superficiels : on crut qu’il fallait y répondre. M. Jurieu, qui avait opposé au livre de M. de Meaux un écrit intitulé, Préservatif contre le changement de religion, en publia une suite contre le livre de M. Brueys. M. de Larroque, fils du ministre de Rouen, et reçu ministre dans un des derniers synodes, se mit aussi sur les rangs. Il fit une réponse à M. Brueys, et l’envoya à M. Bayle, qui la donna d’abord à l’imprimeur. Elle a pour titre : le Prosélyte abusé, ou fausses vues de M. Brueys dans l’examen de la séparation des protestans [2]. On y trouve une épître dédicatoire à Monsieur *** professeur en philosophie et en histoire à Rotterdam, où M. de Larroque rend compte de la composition, du but et du plan de cet ouvrage. M. Bayle ne voulut pas que son nom parût à la tête de l’épître dédicatoire, quoiqu’il fût facile à ceux qui connaissaient la Hollande, ou qui avaient quelque commerce avec les gens de lettres, de voir qu’elle lui était adressée. Il a parlé fort avantageusement du livre de M. de Larroque. « C’est, dit-il [3], le coup d’essai d’un jeune auteur plein d’esprit, qui fait voir à son adversaire, en le suivant pas à pas, qu’il a fait de lourdes fautes. La raillerie vient quelquefois sur les rangs un peu forte, mais délicate. L’érudition y tient fort bien sa partie. »

M. Lenfant, qui étudiait alors la théologie à Genève, écrivit aussi contre M. Brueys. Mais ayant appris que d’habiles gens travaillaient sur le même sujet, il aurait supprimé sa réponse, si M. Bayle et M. Jurieu ne l’eussent pas exhorté à l’achever et à la donner au public [4]. Après avoir fait quelque séjour à Genève, il alla à Heidelberg, d’où

  1. Il fut imprimé à Rotterdam, chez Pierre de Graef ; mais le titre porte, à Cologne, chez Pierre Marteau, in-12.
  2. À Rotterdam, chez Reinier Leers, M. DC. LXXXIV, in-12.
  3. Nouvelles de la République des Lettres, mars 1684, p. m. 101. Voyez aussi la lettre à M. Lenfant, du 26 de novembre 1683, p. 204.
  4. Voyez les lettres à M. Lenfant, du 8 de septembre, et du 26 de novembre 1683, p. 201 et suiv.