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VIE DE M. BAYLE.

de M. Bayle [1]. La ville de Rotterdam érigea en leur faveur une École illustre : M. Jurieu fut nomme professeur en théologie ; M. Bayle, professeur en philosophie et en histoire, avec cinq cents florins de pension annuelle. Il prononça le 5 de décembre la harangue d’entrée, qui fut généralement applaudie ; et le 8 il fit sa première leçon de philosophie à un fort grand nombre d’étudians.

Peu de temps après il donna sa Lettre sur les comètes à M. Leers, libraire de Rotterdam, homme d’esprit et de mérite, afin qu’il la fît imprimer. Et, comme il prit toute sorte de précautions pour n’en être pas reconnu l’auteur, il ne changea rien dans le style de catholique romain, ni dans le langage et les éloges imités du Mercure galant. Il crut que rien ne serait plus propre qu’un tel langage à faire juger que cette Lettre n’était point l’écrit d’un homme sorti de France pour la religion. Pendant le cours de l’impression, il inséra plusieurs choses qui n’étaient pas dans le manuscrit qu’il avait envoyé à l’auteur du Mercure galant [2]. Cet ouvrage fut achevé d’imprimer le 11 de mars 1682, et il parut sous ce titre : Lettre à M. L. A. D. C., docteur de Sorbonne, où il est prouvé, par plusieurs raisons tirées de la philosophie et de la théologie, que les comètes ne sont point le présage d’aucun malheur ; avec plusieurs réflexions morales et politiques, et plusieurs observations historiques, et la réfutation de quelques erreurs populaires. À Cologne, chez Pierre Marteau, M. DC. LXXXII.

Pour mieux se cacher, M. Bayle y ajouta une préface, ou avis au lecteur, sous le nom d’une personne qui publiait cette Lettre sans en connaître l’auteur. Dans cette préface, l’éditeur, après avoir marqué plusieurs raisons qui l’avaient porté à faire imprimer cet ouvrage, allègue encore celle-ci « J’ai été, dit-il, confirmé dans ce même dessein par une raison bien plus forte. J’ai su de bonne part que le docteur de Sorbonne à qui cette lettre a été écrite y prépare une réponse fort exacte et fort travaillée. Il serait fort à craindre, vu son indifférence pour la qualité d’auteur, qu’il ne se contentât de travailler pour son ami, si on ne l’engageait, en publiant la lettre qu’il en a reçue, à faire part au public des belles et savantes réflexions qu’il aura faites sur des points considérables ; comme sont la conduite de la Providence à l’égard des anciens païens ; la question, si Dieu a fait des miracles parmi eux, quoiqu’il sût qu’ils en deviendraient plus idolâtres ; la question, si Dieu a quelquefois établi des présages parmi les infidèles ; la question, si un effet purement naturel peut être un présage assuré d’un événement contingent ; la question, si l’athéisme est pire que l’idolâtrie, et s’il est une source nécessaire de toutes sortes de crimes ; la question, si Dieu pouvait aimer mieux que le monde fût

  1. Ibid., p. clxix, clxx.
  2. Préface de la 3e. édit.