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VIE DE M. BAYLE.

1674.

Il quitta donc Copet le 29 du mois de mai de l’année 1674, après avoir donné à ses élèves une personne propre à les conduire [1]. Il ne s’arrêta à Genève qu’autant de temps qu’il fallait pour voir ses amis ; et arriva à Rouen, avec le parent de M. Basnage, le 15 du mois de juin. Il entra d’abord chez un marchand pour travailler à l’instruction de son fils. C’était le poste que M. Basnage avait procuré à M. Bayle. Ce marchand avait une terre auprès de Rouen, où M. Bayle fut obligé d’aller passer cinq ou six mois avec son disciple. L’ennui qui l’avait chassé de Copet vint le retrouver dans cette campagne. Il eut recours aux mêmes remèdes pour le dissiper : il écrivait des lettres à ses parens et à ses amis, et même il composait quelques petits ouvrages. Quand M. Minutoli le pressa de les lui envoyer, il le pria de l’en dispenser. « Il me suffit, lui écrivit-il [2], que vous n’ignoriez pas que je me suis entretenu avec vous durant ma solitude de Normandie : cela vous marquant assez que vous êtes toujours présent à mon souvenir, je vous épargnerai la peine de lire un chaos de pensées indigestes que mon chagrin me faisait rédiger par écrit. » Étant revenu à Rouen au commencement de l’hiver, le seul avantage qu’il y trouva fut de s’entretenir souvent avec M. Basnage le père, M. Bigot, M. de Larroque, et quelques autres personnes distinguées par leur savoir et par leur mérite. Il n’y passa que cet hiver. Ayant reconnu que son élève n’avait aucune disposition à l’étude, il en avertit ses parens, et le quitta.

1655.

Toute sa passion était pour Paris. Les arts et les sciences qui y fleurissaient, le grand nombre d’excellentes bibliothéques, les conférences qui se tenaient toutes les semaines sur toutes sortes de sujets chez de savans particuliers où l’on se faisait un plaisir de recevoir ceux qui souhaitaient y assister, étaient de si puissans attraits pour M. Bayle, qu’il ne put y résister. Il pria ses amis de lui faciliter les moyens de pouvoir demeurer dans cette grande ville. On proposa de le mettre auprès d’un gentilhomme de province qui y était attendu, et M. Bayle partit de Rouen le 1er. de mars 1675, pour s’y rendre. Il n’y trouva pas le jeune homme qu’on lui destinait [3] ; mais, à la recommandation de M. le marquis de Ruvigny, il fut choisi pour être précepteur de messieurs de Béringhen, frères de M. de Béringhen, conseiller au parlement de Paris, et de madame la duchesse de la Force. Il entra chez eux le 3 avril, un mois après son arrivée à Paris.

Lorsqu’il était encore en Normandie, sa mère lui avait fait connaître qu’elle souhaitait passionnément d’avoir son portrait. Il ne put pas lui refuser cette satisfaction, et se fit peindre à Rouen par Ferdinand, peintre célèbre,

  1. M. Manget, qui s’est rendu célèbre par plusieurs ouvrages de médecine qu’il a publiés,
  2. Lettre du 17 de mars 1675, p. 66.
  3. Lettre à M. Minutoli, du 17 de mars 1675.