liste de livres. Je l’en remercie très-humblement ; j’ai un assez bon memento par une belle montre qu’il voulut à toute force que j’acceptasse de sa part. Un tel meuble me paraissait alors très-inutile, mais présentement il m’est devenu si nécessaire, que je ne saurais plus m’en passer ; de sorte qu’à tous momens je sens combien je lui suis redevable d’un si beau présent. »
On voit par-là le jugement qu’il faut faire de ceux qui ont dit qu’il était pensionnaire de la cour de France, etc.
(T, p. 261.) Il n’a pas tenu à M. Bayle que le public n’ait jamais vu son portrait. ] On le lui demanda avec de grandes instances, pour le faire graver et le mettre à la tête de la traduction anglaise de son Dictionnaire ; mais il répondit qu’il ne pouvait pas se résoudre à se faire peindre, ni à faire paraître son visage à la tête de son livre ; qu’il ne lui était pas possible de vaincre sa répugnance, et qu’il suppliait qu’on lui pardonnât cette faiblesse, si on voulait ainsi l’appeler [a]. Le portrait qu’il avait envoyé à sa mère était destiné à demeurer dans sa famille ; et s’il a été rendu public, nous en sommes redevables à M. Marais, avocat au parlement de Paris, et à madame de Mérignac, dame d’un mérite supérieur, et fort amie du nom et des ouvrages de M. Bayle. Ils ignoraient que M. Bayle se fût fait peindre ; mais la lettre qu’il écrivit à sa mère en lui envoyant son portrait [b], étant tombée entre les mains de M. Marais, après la mort de M. Bayle, ils découvrirent que ce portrait était à Montauban, chez une parente de M. Bayle. Madame de Mérignac en fit venir une copie, qu’elle donna, à sa mort [c], à M. de Francastel, sous-bibliothécaire du collége Mazarin ; et M. Marais en fit faire une copie sur celle-là. Ce sont les deux seules copies qui soient dans Paris. L’académie de Francfort-sur-l’Oder en demanda une troisième à M. Marais, pour mettre dans une salle où l’on a déjà rassemblé quatre-vingts et deux portraits d’hommes illustres. M. Bayle y paraît d’un visage brun, avec des traits vifs et de fort beaux yeux. On y reconnaît aisément son esprit et sa vivacité. On a fait à Paris quelques estampes d’après ce portrait. Il y en a une qui a été gravée par les soins de madame de Mérignac et de M. Marais. M. Marais invita M. de la Monnoye à faire des vers, pour mettre au-dessous de cette estampe, et il fit ce distique latin :
Bælius hic ille est, cujus dum scriptâ vigebunt,
Lis erit oblectent erudiantne magis.
On en a gravé une autre pour mettre
à la tête de l’édition du Dictionnaire
de M. Bayle, faite à Genève en
1715. On y trouve ces quatre vers
français de M. de la Monnoye, qui
sont une imitation des latins :
Tel fut l’illustre Bayle, honneur des beaux esprits,
Dont l’élégante plume, en recherches fertile,
Fait douter qui des deux l’emporte en ses écrits,
De l’agréable ou de l’utile.