Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T16.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
VIE DE M. BAYLE.

sion qui, à proprement parler, ne signifiait rien, puisqu’il n’y avait point encore d’ordonnance qui eût défini la peine de ce nouveau crime. On ne laissa pas de se prévaloir de cette déclaration pour maltraiter les réformés ; on prétendit même qu’elle avait un effet rétroactif ; ce qui ayant causé une infinité de désordres, le roi se vit obligé de donner un arrêt au mois de septembre 1664, pour défendre qu’on l’étendît à ce qui s’était passé avant qu’elle eût été enregistrée dans les parlemens. Cependant ce prince n’étant pas content des termes vagues et indéterminés de sa première déclaration, en donna une autre au mois de juin 1665, où il condamnait les relaps à être bannis à perpétuité du royaume. M. Bayle était dans le cas de cette seconde déclaration, qui, ayant encore paru trop modérée, fut enfin suivie d’une troisième, au mois de mars 1679, par laquelle on déclarait que les relaps seraient condamnés à faire amende honorable, bannis à perpétuité hors du royaume, et leurs biens confisqués [a]. La crainte qu’avait M. Bayle d’être reconnu et inquiété comme relaps, le porta à prier ses amis de changer l’orthographe de son nom dans la suscription de leurs lettres, et de l’écrit Bêle et non pas Bayle [b].

(E p. 58.) On trouve ces particularités dans les lettres qu’il écrivit à MM. Constant et Minutoli. ] « Il y a environ quatre mois, dit-il à M. Constant [c], que je quittai Paris pour suivre la vocation qui me fut adressée de venir être ici professeur en philosophie. Y étant arrivé, j’y rencontrai l’état des choses si engagé dans plusieurs petites intrigues académiques, qu’il fallut me rabattre de ma vocation sur le hasard de la dispute. Je m’y suis exposé, et Dieu a tellement suppléé à mon ignorance, soit en me fortifiant dans mes faiblesses, soit en me faisant trouver des antagonistes qui n’étaient pas plus forts que moi, qu’enfin la pomme m’a été donnée... Je prends la liberté de vous envoyer le seul exemplaire de mes thèses qui me reste. Ce sont des thèses à la fourche, que nous convînmes de faire sans livre et sans préparation, entre deux soleils, pour prévenir la supercherie que des troupes auxiliaires eussent pu nous jouer, si on eût eu la liberté de composer chez soi. Par malheur il nous échut une matière extrêmement épineuse. »

Voici comment il en parle à M. Minutoli. « Diverses raisons, dit-il [d], m’ayant déterminé d’embrasser la vocation qui me fut adressée pour une charge de professeur en philosophie, je quittai Paris sur la fin du mois d’août dernier, et m’en vins ici, où j’ai été contraint de rassembler tumultuairement mes idées de philosophie dissipées, pour entrer en lice avec trois concurrens, qui s’étaient toujours tenus en haleine. Je vous laisse à juger si cela ne m’a pas bien tenu en sollicitude. Enfin, soit bonheur, soit ignorance à mes compétiteurs, j’ai été reçu ; et je suis obligé de travailler comme un forçat, ayant à composer mon cours au jour la journée, et donnant cinq heures tous les jours à mes écoliers. Ce sont des corvées qui m’ont étourdi ; et c’est seulement parce qu’on s’accoutume à tout que je commence à respirer. »

(F p. 83.) M. Bayle eut ensuite dessein de répondre à M. Arnauld. ] Cela paraît par une de ses lettres, publiée par l’abbé Archimbaut en 1717, dans son Nouveau recueil de pièces fugitives d’histoire et de littérature [e]. Comme ce recueil est peu connu, et que M. Bayle explique en peu de mots dans cette lettre le sujet de sa dispute avec M. Arnauld, j’ai cru qu’on serait bien aise de la trouver ici. Elle a été écrite en 1694 [* 1].

« Je vous dirai, monsieur, qu’a-

  1. * Elle ne se trouve dans aucune édition des Lettres de Bayle, données par Des Maizeaux, ni dans aucune des deux éditions des Œuvres diverses.
  1. Voyez la même Histoire, tom. III, p. 580, 582 ; et le recueil d’édits, déclarations, etc., qui est à la fin de ce tome, p. 109, 151, et tom. IV, p. 18, 374 ; et le recueil d’édits, etc., de ce tome, p. 7, 106.
  2. Voyez les lettres à M. Minatoli, du 17 de mars 1675, p. 74 ; et du 6 de février 1676, pag. 103.
  3. Lettre du 17 de décembre 1675, p. 97, 98.
  4. Lettre du 16 de février 1676, p. 100.
  5. Tom. III, p. 64 et suiv.