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VIE DE M. BAYLE.

qu’il a rejetées, et on fait voir qu’ils ne sont pas capables de satisfaire la raison. On observe que M. Jaquelot, ne pouvant pas répondre aux difficultés que M. Bayle avait faites contre son premier livre, n’avait eu d’autre ressource que d’inventer un nouveau système qui pût lui servir à échapper aux objections qu’il ne lui était pas possible d’éluder, s’il eût persisté dans ses premiers dogmes. On fait voir que par ce nouveau système, M. Jaquelot rétracte tout ce qu’il avait dit dans son premier ouvrage pour justifier par les intérêts de la gloire de Dieu, la permission du péché. On fait l’examen de ce système, et on montre qu’il est inutile pour résoudre les difficultés dont il s’agit. On soutient qu’il s’ensuit visiblement du système de M. Jaquelot, que Dieu a voulu le péché, et en a été la cause proprement dite. On prouve que ce ministre a vainement prétendu que le franc arbitre levait toutes les difficultés sur l’origine du mal. On réfute sa doctrine sur la permission du mal, et ce qu’il a répondu au sujet du mal physique, et du pyrrhonisme ; et on répond à plusieurs remarques qu’il avait faites sur le troisième tome de la Réponse au provincial. Enfin on marque les raisons que l’on a eues de ne point examiner les trois cent trois premières pages de la réplique de M. Jaquelot, et pourquoi l’on se contente d’un petit nombre d’observations qui regardent principalement le recueil des difficultés qu’il a tirées du Dictionnaire critique et accompagnées de ses réflexions.

Du reste, on se plaint dans cet ouvrage que M. Jaquelot n’a pas répondu à un grand nombre de difficultés embarrassantes ; qu’il est plein de supercheries et de déguisemens ; qu’il foule aux pieds la bonne foi, afin de suivre les mouvemens d’une haine personnelle ; qu’il ne cherche qu’à chicaner et qu’à faire perdre de vue les difficultés ; qu’il mutile les passages de son adversaire, et affecte de parler avec mépris de son livre ; on remarque qu’il s’étourdit quelquefois jusques à combattre ses propres principes, qu’il s’abandonne trop à sa présomption ; qu’il est trop orgueilleux pour convenir qu’il se soit jamais trompé, etc. Ce style n’était pas naturel à M. Bayle ; il disputait sans sortir jamais des bornes de la modération. Il dissimulait au contraire ou excusait les défauts de ses adversaires, et assaisonnait sa critique de mille traits polis et obligeans. Mais il fut aigri et piqué, parce qu’il vit qu’on attaquait sa personne encore plus que sa doctrine, et qu’on n’oubliait rien pour le livrer à l’indignation publique. Ce procédé parut très-déraisonnable aux personnes désintéressées. M. de Bauval s’en plaignit. « Si M. Bayle, dit-il [1], a eu des intentions secrètes et des desseins dangereux contre la religion, c’est le procès personnel de M. Bayle, et ce n’est pas la cause du public. Ceux qui ne cherchent que la vérité se mettront peu en peine de discuter si l’on est bien fondé dans les accusa-

  1. Histoire des ouvrages des savans, décembre 1706, p. 544.