Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T16.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
246
VIE DE M. BAYLE.

place. Mes ennemis voudraient bien que cette inégalité de conduite me pût être reprochée. »

M. Bayle écrivit aussi à milord Shaftsbury [1] pour le remercier des nouvelles marques de bienveillance qu’il lui donnait : il lui protesta qu’il n’était point vrai il eût eu des conférences avec le marquis d’Allègre ; qu’il n’avait même su que par les gazettes que ce marquis avait été en Hollande, et qu’il était passé en Angleterre. Il ajouta que milord Shaftsbury savait mieux que personne quels étaient ses principes sur le gouvernement, puisqu’il avait eu l’honneur de lui en parler plus d’une fois ; et il le pria de détromper milord Sunderland. Milord Shaftsbury y réussit. Il lui représenta que M. Bayle, enfermé dans son cabinet et uniquement occupé de ses livres et de ses écrits, ne se mêlait en aucune manière des affaires d’état, que ce n’était ni son génie ni son talent, et que toutes ces accusations n’étaient qu’un effet de l’animosité de quelques auteurs qui avaient eu des disputes avec lui, et qui s’efforçaient de le rendre odieux. Milord Sunderland reconnut enfin qu’on lui avait imposé, et rendit justice à M. Bayle. Milord Shaftsbury l’en informa d’abord, et M. Bayle lui témoigna [2] combien il était sensible à ses généreuses attentions, et la joie qu’il avait d’apprendre « que les impressions calomnieuses dont ses ennemis avaient prévenu milord Sunderland étaient heureusement dissipées par ses soins. »

Dans ce temps-là, M. Bayle reçut un petit livre imprimé à Paris sous ce titre : Remarques critiques sur la nouvelle édition du Dictionnaire historique de Moréri, donnée en 1704. L’auteur [3] avait tiré presque toutes ses remarques du Dictionnaire de M. Bayle, se les était appropriées, et ne laissait pas de le critiquer quelquefois. M. Bayle jugea que cet écrit méritait d’être connu en Hollande, et pour le rendre plus utile il voulut bien le faire réimprimer [4], avec des notes qui éclaircissaient plusieurs faits où l’auteur s’était trompé, ou qu’il ne rapportait pas avec assez d’exactitude. Il indiqua même les fautes qu’il avait faites contre l’usage de la langue française, et ses expressions ambiguës ou équivoques. Enfin, il y ajouta une longue préface pour servir d’instruction aux nouveaux éditeurs du Moréri. Le rapport qu’a ce petit ouvrage avec le Dictionnaire de M. Bayle engagea un de mes amis [5] à me le demander pour le joindre à la quatrième édition de ce Dictionnaire. Je le lui envoyai, accompagné de quelques observations, où j’ai marqué les endroits que l’auteur a tirés du Dictionnaire critique, et où j’ai distingué le fautes qu’il a reprises dans le

  1. Lettre du 23 de juillet 1706, p. 1100 et suiv.
  2. Lettre du 28 d’octobre 1706, p. 1123 et suiv.
  3. M. l’abbé Tricaud, aujourd’hui chanoine de l’abbaye d’Ainay, à Lyon. Il avait publié, en 1702 et 1703, des Essais de littérature, où il critiquait M. Bayle, qui prit la peine de lui répondre dans les Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts, des mois de janvier, avril et juin 1703, de l’édition d’Amsterdam,
  4. À Rotterdam, en 1706.
  5. M. de la Motte.