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VIE DE M. BAYLE.

M. le Clerc s’était flatté que M. Bayle avouerait que son origéniste levait toutes les difficultés du manichéen ; mais, voyant qu’il persistait à soutenir le contraire, il en conclut que M. Bayle plaidait sa propre cause, et il intitula sa réponse, Défense de la bonté et de la sainteté divine, contre les objections de M. Bayle. « Lors, dit-il [1], que je lus dans la première édition du Dictionnaire critique de M. Bayle les objections qu’il fait contre la bonté et la sainteté de Dieu, et auxquelles il soutient qu’aucun théologien chrétien ne peut répondre, je crus que c’était une manière de jeu d’esprit de l’auteur, qui s’était diverti à donner de l’exercice aux théologiens...... J’ai été dans cette opinion jusqu’à ce que j’ai vu les deux derniers volumes de ses Réponses à un provincial, où il soutient sérieusement le parti des manichéens contre la bonté divine [2]....... Mais s’il se croit obligé, par honneur, de soutenir une thèse opposée à tout le christianisme qu’il défie, ce me semble, d’une manière très-odieuse et très-insultante, il trouvera bon, s’il lui plaît, que nous soutenions aussi le parti que non-seulement l’honneur, mais encore l’amour de la vérité et la conscience nous obligent de défendre. Je m’étais flatté qu’il reviendrait peut-être, de lui-même, à reconnaître la bonté et la sainteté de Dieu dans sa conduite ; après les moyens qu’on lui avait donnés de se tirer de ce mauvais pas, sans intéresser sa réputation, en sortant satisfait de la dispute et en remerciant ceux qui auraient levé ses difficultés, comme l’on a accoutumé de faire dans les auditoires de théologie et de philosophie. Mais comme il fait tout le contraire, et qu’il prétend qu’on ne lui a pas répondu solidement, il faut que nous fassions voir que nous n’avons guère peur de ses raisonnemens, et que nous en montrions le ridicule sans biaiser davantage. »

M. le Clerc fait d’abord une récapitulation de cette dispute, et, quittant ensuite le personnage d’un origéniste, il répond aux difficultés de M. Bayle en son propre nom. Il déclare qu’il n’a d’autre confession de foi que lé Nouveau Testament, et que c’est le seul livre qu’il se croit obligé de défendre. Mais comme la plus forte objection des manichéens est fondée sur l’éternité des peines, qui paraît si clairement révélée dans l’Évangile, après avoir rejeté le sentiment d’Origène, il expose le sien propre. « Pour moi, dit-il [3], je répondrais que la nature des peines de l’autre vie ne nous est pas bien connue, que nous ne savons pas s’il n’y aura point d’abord divers supplices très sensibles, et diversifiés néanmoins selon la grandeur des péchés, et si Dieu, faisant ensuite cesser ces supplices violens, ne se contentera pas

  1. Bibliothéque choisie, tom. IX, art. III, p. 103 et suiv.
  2. Ibid., p. 106, 107.
  3. Ibid., p. 143.