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VIE DE M. BAYLE.

vraies, que par les lumières de la foi. »

Voilà précisément et en raccourci tout ce que M. Bayle a mis dans la bouche des manichéens dans son Dictionnaire. Toutes ces objections sur l’origine du mal sont contenues dans celles de M. Jurieu : elles aboutissent toutes à démontrer qu’il n’y a point d’hypothèse qui puisse résoudre les difficultés que notre raison propose sur la providence de Dieu à l’égard du mal, et par conséquent qu’il faut s’en tenir à la seule révélation. Or, cela étant, M. Bayle demande pourquoi M. Jaquelot n’a jamais songé à soulager M. Jurieu sur les difficultés qui l’incommodaient si fort, qu’il semble gémir sous leur poids ; et pourquoi il s’est cru obligé de prendre la plume contre M. Bayle, puisqu’il s’est tenu dans un si long silence à l’égard de M. Jurieu, qui a pourtant dit les mêmes choses.

M. Bayle vient ensuite aux trois principaux points qui le regardent. M. Jaquelot lui reprochait d’avoir fait tous ses efforts pour détruire le franc arbitre, afin de donner plus de force à ses objections, et de faire voir que l’homme était injustement puni pour des crimes qu’il commettait nécessairement et inévitablement. M. Bayle répond qu’il n’a rien nié ni affirmé expressément sur le franc arbitre ; qu’il n’avait garde de s’engager dans une question préliminaire qui accrocherait pour toujours la question principale. C’est un sujet si embarrassant et si fécond en distinctions et en équivoques, que les disputans ont des ressources infinies, et qu’il leur arrive souvent de tomber eux-mêmes en contradiction ; et qu’enfin il lui laissait le choix de suivre telle hypothèse qu’il jugerait à propos, et d’aller s’il voulait jusqu’au pélagianisme, qui est presque le seul poste où l’on se puisse bien servir de la liberté d’indifférence.

Avant que d’en venir à la question sur l’origine du mal, M. Bayle remarque qu’il ne s’agit entre lui et M. Jaquelot d’aucun article de foi, et qu’ils sont parfaitement d’accord sur le fond du dogme. Il s’agit seulement de savoir si notre raison peut comprendre l’accord réel et effectif qui se trouve entre les attributs de Dieu et le système de la prédestination, et si elle peut satisfaire aux difficultés qui nous dérobent la connaissance de cet accord : il est question de savoir si elle peut non-seulement convaincre, mais éclairer aussi notre esprit sur ce sujet. M. Jaquelot prend l’affirmative avec les théologiens rationaux, et M. Bayle prend la négative et se conforme à l’hypothèse des premiers réformateurs, et de leurs disciples. Il marque ensuite ce que M. Jaquelot a dû faire pour venir à bout de son dessein : il a dû prouver que l’on peut faire connaître à notre raison la parfaite intelligence qui se trouve entre la doctrine théologique du péché et un certain nombre de maximes philosophiques, et il rapporte sept propositions théologiques d’un côte, et dix-neuf maximes philosophiques de l’autre, qu’il