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VIE DE M. BAYLE.

et que, s’il avait été au monde lorsque la première réponse de M. le Clerc parut, il aurait été bien surpris qu’on s’intéressât à sa gloire avec si peu de nécessité ; que l’observation de M. Bayle concernait autant Thomas d’Aquin, Scot, et tels autres génies supérieurs, que M. Cudworth et que M. Grew ; que ce dernier ne s’en était pas mis en peine, quoique M. le Clerc l’y eût excité en quelque façon. « M. Cudworth, dit-il [1], n’aurait pas eu moins d’indifférence pour une objection à quoi il n’avait pas plus de part que presque tout le genre humain, et eût soupçonné sans doute qu’il ne servait que de prétexte pour les premières semences d’une querelle. Il y a quelque anguille sous roche, se fût-il imaginé ; quelque vieux levain, quelque abcès qui s’était formé depuis long-temps et qui veut crever enfin. » M. Bayle dit encore que, connaissant la sensibilité de M. le Clerc, il avait gardé de grands ménagemens avec lui, et s’était abstenu de lui reprocher qu’il avait mal entendu le dogme de M. Cudworth ; que M. le Clerc, pour couvrir l’impuissance où il se trouvait de réfuter ses raisons, les avait traitées de bagatelles ; enfin, que la victoire remportée sur lui au sujet des natures plastiques l’avait démonté ; qu’il ne se possédait point quand il retouchait cette matière, et qu’il s’abandonnait à la calomnie : « semblable à ces curés de village qui crieraient à l’hérétique brûlable, si quelqu’un de leurs paroissiens, reconnaissant dans le fond la vérité d’une doctrine, ne convenait pas de la force des raisons qu’ils lui en auraient données. »

Voilà à quoi se réduisit la dispute que M. Bayle eut avec M. le Clerc au sujet des natures plastiques de M. Cudworth.

1705.

Sur la fin de l’année 1705, M. Bayle publia tout à la fois un second et troisième tomes de sa Réponse aux Questions d’un provincial. Dans la préface du second tome il remarqua que ces deux volumes différaient du premier en ce que celui-là contenait beaucoup de diversités littéraires et historiques, et peu de matières de raisonnement ; et qu’au contraire ceux-ci contenaient beaucoup de matières de raisonnement, et peu de diversités littéraires et historiques. « On n’avait point ouï dire, ajoute-t-il, que personne se fût plaint qu’il y avait trop de matières de raisonnement dans la première partie, et l’on avait su que bien des gens s’étaient plaints de n’y en trouver pas assez. On a donc jugé à propos de changer les proportions, en faisant prédominer dans cette suite de l’ouvrage ce qui n’était qu’un accessoire dans le premier tome. » Le plan de cet ouvrage lui fournissait naturellement l’occasion d’y faire entrer toute sorte de sujets : il en profita pour examiner quelques écrits qui venaient de paraître, et où il se trouvait intéressé.

M. King, évêque de Londonderry, et depuis archevêque de Dublin, avait publié un trait

  1. Ibid., p. 35, 36.