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VIE DE M. BAYLE.

quer. J’ajoutai à cela les déclarations particulières que j’avais faites verbalement à messieurs les commissaires, touchant l’article de David, celui des Manichéens, etc.

» Sur ce mémoire, la compagnie dressa un acte avec les réflexions et les modifications qu’elle jugea à propos, et ce fut là, monsieur, la conclusion pacifique de cette affaire. Elle témoigna souhaiter que, sans attendre la seconde édition qui pourrait traîner en longueur, je fisse imprimer quelque chose qui fît savoir au public les sentimens que j’avais exposés dans mon mémoire. J’y acquiesçai sans répugnance, et je m’acquitte aujourd’hui de cette promesse ; il n’a pas tenu à moi que je ne m’en sois plus tôt acquitté. Je suis, monsieur, votre, etc. [* 1] »

M. Jurieu, chagrin de ce que le consistoire ne s’était pas prêté

  1. * Cette lettre est datée du 6 juillet 1698, et, dans l’édition des Lettres, contient le post scriptum que voici :

    « Puisqu’il me reste de la place, je vous éclaircirai une chose qui vous a fait quelque peine, et qui a donné lieu à une contestation dont vous m’avez écrit amplement les circonstances. Vous m’avez fait savoir, monsieur, qu’un gentilhomme, fort prévenu en ma faveur, se trouva bien interdit lorsqu’on lui montra, en bonne compagnie, ce qu’il soutenait ne pouvoir être dans mon Dictionnaire. Quelqu’un avait dit, en sa présence, qu’il ne comprenait pas bien pourquoi j’avançais comme une chose certaine, qu’Adam mourut au lieu où Jérusalem fut bâtie depuis, et qu’on l’enterra sur une montagne voisine qui a été appelée Golgotha. Il fit plusieurs réflexions sur ce passage, et il conclut que rien n’est plus difficile aux auteurs que d’être uniformes. Ceux, disait-il, qui se mettent le plus en possession de n’affirmer rien qu’ils ne puissent prouver démonstrativement s’oublient quelquefois, et assurent d’un ton décisif les choses les plus douteuses. Le gentilhomme prit feu, et s’offrit de parier tout ce qu’on voudrait, qu’il ne m’était pas échappé une telle faute. La dispute s’échauffant, on fit apporter mon Dictionnaire, et l’on montra à toute la compagnie la pag. 96 du Ier. vol., col. 2, vers la fin. On le fit témoin oculaire de ce qu’il niait, et il fut extrêmement surpris ; et soutint néanmoins qu’il se souvenait de n’avoir pas vu cela dans l’exemplaire dont il s’était servi. On se moqua de cette exception, on le somma de faire venir cet exemplaire, et la chose ne lui étant pas possible, il se vit ranger au nombre des parieurs attrapés.

     » Vous voulez, monsieur, que je vous rende raison de cette affaire : un auteur plus sensible que moi vous rappellerait d’abord le

    Infandum regina jubes renovare dolorem ;

    mais j’irai tout droit au fait. Vous saurez donc qu’il y a un certain nombre d’exemplaires du premier volume, et d’une partie du second, qui ont été réimprimés sans que j’aie vu les épreuves. Il fallut faire cette seconde impression afin d’égaler les exemplaires ; car on avait fait tirer un plus grand nombre depuis la lettre P jusqu’à la fin que l’on n’avait fait auparavant. La réimpression se fit avec une promptitude incroyable ; je ne pus y avoir l’œil, et les correcteurs n’eurent pas le temps de bien faire leur devoir. De là est venu que plusieurs oublis des imprimeurs n’ont pas été réparés. Le passage cité ci-dessus en est un exemple ; car voici ce que j’avais dit, et ce qui se trouve dans la plupart des exemplaires : Qu’il nous suffise de savoir que les pères ont cru fort communément que le premier homme mourut au lieu où Jérusalem, etc. [C’est ce qu’on lit dans cette édition, t. I, p. 206.] Vous voyez donc que le gentilhomme n’a pas eu tort, et que les réflexions de l’autre sont très-mal fondées.

    » Il y a de semblables fautes des imprimeurs qui ont introduit des obscénités et de faux raisonnemens dans mon ouvrage, que l’on croira pouvoir m’imputer avec raison, et dont je suis néanmoins très-innocent. En voici un exemple : Dans les exemplaires dont j’ai revu les épreuves, il y a à la pag. 335 du Ier vol., col. 2, lig. 9 : Le règne de Tullus Hostilius est enfermé entre la première année de la 27e. olympiade, et la première année de la 35e. [Voyez dans cette édition, tome II, pag. 275.] Mais dans les autres exemplaires on ne trouve que ceci : Le règne de Tullus Hostilius est enfermé entre la première année de la 35e. Monstrueux discours ! Je ne dis rien des chiffres et des noms propres que ces gens-là, le fléau né des auteurs, ont brouillés et défigurés. Je me pourvois ici contre eux, et contre l’avantage que mes critiques en voudraient tirer. »

    Bayle, dans la note (4) de l’Avertissement de la seconde édition ci-dessus, p. 20, donne