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VIE DE M. BAYLE.

il n’en a pas dit assez, j’en sais bien d’autres circonstances, et s’il veut faire mon portrait de ce côté-là, je lui fournirai bien des mémoires. »

Cette dispute n’eut point de suites. M. De Wit s’intéressa pour l’abbé Renaudot, et fit promettre à M. Bayle de ne point écrire contre lui. M. Bayle tint religieusement sa promesse : il poussa même la délicatesse si loin, qu’il ne voyait qu’avec peine que je voulais insérer dans les Œuvres de M. de Saint-Évremond la réponse que ce célèbre écrivain avait faite au Jugement de cet abbé. « Pour ce qui regarde, m’écrivit-il [1], l’apologie dont M. de Saint-Évremond a bien voulu m’honorer, comme votre amitié pour moi s’est déjà déclarée publiquement, je ne sais si M. l’abbé Renaudot ne me croirait pas coupable d’une infraction indirecte de la trêve que M. De Wit avait conclue entre nous, s’il paraissait dans un ouvrage que vous auriez fait réimprimer quelque chose qui concernât la querelle d’Allemand que cet abbé me fit. Vous savez qu’en publiant des Réflexions sur le Jugement de cet abbé, je promis de l’examiner et de le réfuter plus amplement. Il est sensible plus qu’homme du monde, et quoiqu’il soit savant, il craint les démêlés littéraires. Il veut bien jouir de la liberté de critiquer de vive voix, mais sans avoir la nécessité d’en venir aux discussions de plume. Feu M. De Wit, son grand ami, m’exhorta très-fortement à la paix, et me témoigna être fâché des Réflexions que j’avais publiées. M. Leers, qui a beaucoup d’obligations à cet abbé, qui lui rend en toutes rencontres de bons offices, en reçut une lettre qui marquait qu’il n’entrerait qu’à regret dans des démêlés de cette nature. En un mot, par déférence pour M. De Wit, et par complaisance pour M. Leers, et considérant tout ce que l’abbé alléguait pour ses excuses, je consentis, haïssant naturellement les guerres littéraires de personne à personne, que M. De Wit nous fît convenir de mettre en oubli le passé, et qu’il ne fût plus parlé de ce différent. J’ai observé ma parole avec la dernière exactitude ; car il n’y a pas un seul mot dans la seconde édition de mon Dictionnaire qui porte la moindre marque du souvenir du Jugement de l’abbé. Je laisse, monsieur, à votre discrétion à décider sien insérant la Réponse de M. de Saint-Évremond on ne donnerait pas lieu à l’abbé de dire que ce que je ne faisais pas par moi-même je le faisais par un ami, en renouvelant la mémoire du procès. » M. de Saint-Évremond avait lu le Dictionnaire de M. Bayle avec beaucoup de plaisir ; il se divertit à faire cette Réponse, qui contient une raillerie fine et délicate [2].

1698.

La première impression du

  1. Lettre du 7 de mars 1702, pag. 867 et suiv.
  2. Cette petite pièce fut insérée dans la 1re. édition des Œuvres de M. de Saint-Évremond, imprimée à Londres en 1705, 2 vol. in-4o. et elle se trouve dans toutes les éditions suivantes.