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VIE DE M. BAYLE.

crire en Hollande pour s’en informer.

M. Bayle nous apprend dans une de ses lettres écrite au mois d’octobre 1690, que la voix publique donnait alors l’Avis aux réfugiés à M. de Larroque [1]. M. de Larroque sortit de France au mois de février 1686, et passa en Hollande [2]. L’année suivante il publia des Remarques critiques contre le premier tome de l’Histoire de l’hérésie, par Varillas, qui furent estimées. J’ai déja parlé de sa réponse à M. Brueys. Après avoir fait quelque séjour en Angleterre, en Danemarck et en Allemagne, il repassa en Hollande, et de là il retourna en France vers le mois de juin 1690 [3], c’est-à-dire, un mois ou six semaines après que l’Avis aux réfugiés eut paru, et embrassa la religion romaine. Lorsque je commençai de travailler à la Vie de M. Bayle, en 1707, je priai M. Basnage de me fournir quelques éclaircissemens. Voici ce qu’il me répondit au sujet de l’Avis aux réfugiés [4]. « Puisque vous voulez que je vous parle avec une pleine confiance sur ce qui regarde M. Bayle, je ne crois point qu’on doive remuer l’affaire de l’Avis aux réfugiés. Ce n’est pas que je le soupçonne d’en être l’auteur. Je n’ai point encore abandonné ma première conjecture : c’est que le manuscrit lui en avait été confié. Il le fit imprimer, il y ajouta une préface et quelques traits de sa main. M. Hartsoeker m’a confirmé dans ma conjecture, parce qu’il m’a assuré que M. de Larroque, étant prisonnier à Paris, citait souvent cet ouvrage comme une production qui lui appartenait. Mais comme c’est un sujet odieux, il vaut mieux le laisser tomber que de faire criailler de nouveau ses ennemis. » Il dit aussi dans un mémoire plus étendu, qu’il m’envoya quelque temps après : « J’ai toujours cru [5] et je crois encore que M. Bayle était l’auteur de la préface, et que le manuscrit lui en avait été confié par M. de Larroque, qui changea de religion peu de temps après, et qui a toujours réclamé cet ouvrage comme sien. C’est là, si je ne me trompe, tout le mystère qui a rendu les défenses de M. Bayle si faibles ; il n’osait dire ce qu’il pensait du livre et de l’auteur qui a toujours été son ami. » M. Basnage remarque que M. de Larroque a toujours réclamé cet ouvrage comme sien ; et en effet, on a toujours ouï dire à M. de Larroque, lorsqu’il s’agissait de certaines choses, J’ai dit, ou j’ai prouvé cela dans mon Avis aux réfugiés ; et ses amis ont souvent dit, comme une anecdote littéraire, qu’il était l’auteur de ce livre. C’est un fait attesté par des personnes très-dignes de foi.

Depuis la première édition de ces mémoires, M. l’abbé d’Olivet a publié une lettre adressée à M.

  1. Lettre à M. Constant, du 24 d’octobre 1690, p. 339.
  2. Lettre à M. Rou, du 17 de février 1686, p. 251.
  3. Lettre à M. Constant, ubi supr., p. 339, 340
  4. Lettre du 19 d’août 1707.
  5. Mémoire manuscrit de M. Basnage.