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VIE DE M. BAYLE.

porta l’extrait de deux lettres écrites par des personnes qui en disaient beaucoup de mal, mais qui avouaient en même temps qu’elles ne l’avaient point lu. Les auteurs de la Lettre adressée au synode de Leyde [1] réfutèrent cette Apologie de M. Jurieu, par un écrit intitulé : Examen de la doctrine de M. Jurieu, pour servir de réponse à un libelle intitulé : Seconde apologie de M. Jurieu. Ils ne laissèrent pas échapper ce mauvais artifice de M. Jurieu. « On ne peut guère voir, dirent-ils [2], de plus plaisante fanfaronnade que celle de M. Jurieu sur le livre intitulé, Janua Cœlorum reserata, où d’habiles gens prétendent que son Système de l’église est bouleversé sans retour. Il y répond par deux extraits de deux lettres feints ou véritables, dont l’un dit qu’il n’a point lu le livre, et l’autre qu’il en a lu cinq ou six sections, qui font dix ou douze pages. C’est se tirer bien cavalièrement d’affaire, et prendre les gens pour des dupes, que de croire que le public s’en tienne au jugement de cet anonyme qui est peut-être M. Jurieu lui-même. Comme un livre latin est désormais inaccessible pour lui, et qu’il n’a garde de s’y accrocher, il s’est fait, du jugement de deux inconnus, un prétexte de mépriser un ouvrage qu’il est dans l’impuissance de réfuter. » M. Bayle avertit au commencement du Janua Cœlorum reserata que ce livre est écrit dans le style des scolastiques [3]. Il s’y servit aussi de leur méthode dogmatique ; ce qui, joint au mauvais style, dégoûta bien des gens de la lecture de cet ouvrage, et fut cause qu’on ne le rechercha pas avec le même empressement que ses autres écrits ; car, du reste, on y trouve la même netteté et la même force de raisonnement.

L’auteur des Remarques générales parut de nouveau sur la scène par des Lettres sur les différens de M. Jurieu et de M. Bayle, où l’on découvre les contradictions de ce dernier, qui peuvent servir de nouvelles convictions. Ces lettres sont au nombre de cinq ; elles sont datées de Copenhague, mais cela n’empêcha pas qu’on n’en reconnût bientôt l’auteur. Il y répétait sous une nouvelle forme ce qu’on avait écrit contre M. Bayle, et déguisait ou passait sous silence ce que M. Bayle avait répondu. Celui-ci publia à cette occasion un écrit intitulé : Nouvel avis au petit auteur des petits livrets, concernant ses lettres sur les différens de M. Jurieu et de M. Bayle. À Amsterdam, M. DC. XCII. Il y marque les raisons qui l’empêchent de répondre à cet auteur, et se contente de donner un échantillon des faux raisonnemens, de la malignité et des déguisemens frauduleux dont il était plein. Il y inséra [4] la réponse que M. Sartre avait faite à sa lettre, et où il avouait que lorsqu’il avait dit qu’après le

  1. M. Basnage de Flottemanville, M. de Bauval, etc.
  2. Examen, etc., p. 22, col. 1.
  3. Non tam stylo in rhetorum scholis quàm in peripatelicorum lycæo obtinente.
  4. Nouvel avis, etc., p. 34 ét suiv. Lettres de M. Bayle, p. 419 et suiv.