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VIE DE M. BAYLE.

et le sieur Goudet, agent de la cabale du sud, avait composé ses Entretiens sur la paix, minutés par le résident, et corrigés à Versailles, lesquels M. Bayle s’était chargé de faire imprimer à Rotterdam, pour les répandre plus aisément dans toute l’Europe, et particulièrement en Hollande et en Angleterre [1]. Après cela, il traitait M. Bayle d’impie, de profane, d’homme sans honneur et sans religion, de traître, de fourbe et d’ennemi de l’état, digne d’être détesté et puni corporellement.

Cependant il avouait que l’accusation touchant l’Avis aux réfugiés n’était fondée que sur de simples présomptions. « Peut-être, dit-il [2], que quelques-uns de ceux qui veulent paraître désintéressés diront que c’est pousser trop cruellement les gens, que c’est les exposer à la haine publique sans les avoir pleinement convaincus. Mais quand il s’agit de travailler à la sûreté publique, faut-il des convictions : et sur des présomptions fortes, ne découvre-t-on pas les malintentionnés, afin qu’on s’en donne de garde ? » Ce qu’il y a de singulier, c’est que pendant qu’il accusait ainsi M. Bayle de s’être proposé dans cet écrit la ruine des protestans, il lui échappait des aveux qui détruisaient cette accusation. « L’auteur, disait-il [3], a cru que dans la suite cela ne leur ferait pas plus de mal que cent autres libelles qui ont été faits contre eux ; que celui-ci s’oublierait comme les autres ; et que pour le présent cela ferait du bien à la France, et, par accident, aux protestans mêmes, parce que cela contribuerait à séparer la ligue et à faire faire la paix. » Et à l’égard du Projet de paix, après l’avoir représenté comme un écrit concerté avec la cour de France, et capable de désunir les alliés, il dit que cet ouvrage est plein de visions, et qu’il faudrait être visionnaire pour s’amuser à les réfuter [4]. Mais ces réflexions, qui auraient pu ouvrir les yeux à une personne désintéressée, ne firent aucune impression sur M. Jurieu ; il ne cherchait pas à disculper M. Bayle, mais à le trouver coupable. Il s’en prit aussi à M. de Bauval. Il l’accuse d’avoir supposé la lettre qu’il avait insérée dans son journal, où l’on disait que l’Avis aux réfugiés se réimprimait à Paris [5]. Mais comme les premières feuilles de cette nouvelle édition avaient été vues en Hollande, il prétendit que c’était un artifice dont on s’était avisé pour se mettre à l’abri des soupçons ; et que le privilége du roi, qui se trouvait dans la première feuille, était faux.

Son écrit contre l’Avis aux réfugiés parut [6] sous ce titre : Examen d’un libelle contre la religion, contre l’état, et contre la révolution d’Angleterre, intitulé : Avis important aux réfugiés sur leur prochain retour en

  1. Avis important au public, pag. 37 et suiv.
  2. Ibid., p.110, 111.
  3. Ibid., p. 57.
  4. Ibid., p. 80.
  5. Voyez ci-dessus, p. 123.
  6. Sur la fin du mois d’avril 1691.